Il y a de ces lieux qui marquent à jamais, des sites dont on ne ressort pas indemne et qu’on ne sait pas vraiment si on l’aime ou le déteste. C’est mon étrange relation avec Varanasi, ou Bénarès, appelez-la comme bon vous semble. Considérée comme la capitale spirituelle de l’Inde, l’hypnotisante cité envoûte, dépayse et déstabilise.

Il faut se rendre dans la région de l’Uttar Pradesh pour pouvoir visiter Varanasi, l’une des sept villes sacrées du pays et l’une des plus anciennes villes habitées du monde, qui se situe sur la rive gauche du Gange.

Varanasi est l’endroit du monde qui m’a, à ce jour, le plus ébranlée. On y côtoie le plus beau comme le pire, la joie comme la peine, la vie comme la mort, là, au coin d’une ruelle ou près d’un des nombreux ghats. Ça bouillonne, ça tourbillonne. Il y a des scènes pour nos yeux d’Occidentaux absolument bouleversantes que notre cerveau a du mal à comprendre et à accepter. Comme la fois où j’ai été à deux doigts de marcher sur un corps. Le corps d’une femme échoué sur les bords du Gange sous une chaleur accablante, dont les signes vitaux démontraient déjà qu’elle se trouvait presque dans les bras de la grande faucheuse. Elle était là, à travers la foule, et se laissait mourir. Je suis restée à observer, à pleurer. Une passante avait encore le réflexe d’offrir un peu de dignité à cette femme dont le corps décharné et dénudé montrait trop d’intimité. Elle passa et glissa sur son bassin ce qui lui restait d’oripeaux.  

Pour les Hindous, Varanasi est une ville sainte où il fait bon mourir. Nombreux sont ceux qui y viennent en pèlerinage pour se purifier dans les eaux du mythique fleuve. D’autres accompagnent leur mort vers leur dernier voyage dans cette ville où la crémation est reine. L’injustice existe même dans la mort. Ce rituel sacré est réservé à ceux qui décèdent d’une mort naturelle. Ceux morts à la suite d’un accident, d’une maladie ou d’un homicide n’ont pas le droit de brûler le long du fleuve. Leur cadavre va directement rejoindre les eaux sacrées, puisqu’une mort brutale ne peut être que le fruit d’un mauvais karma. Là-bas, la mort n’est nullement perçue comme dramatique. Elle est un passage vers une autre étape, une autre vie ou leur paradis, en fonction du karma positif ou négatif du vivant décédé.

Mais Varanasi n’est pas que cela, c’est une fourmillante vieille ville, un dédale de ruelles étroites où circulent les rickshaws, les motos, les piétons et les vaches. Sacrées, ces dernières jouissent d’une totale liberté. Ne soyez pas étonné de les voir se balader ici et là, au gré de leur humeur et de la chaleur, dans les ruelles, les cours intérieures ou dans les commerces même. Restez alerte et mieux vaut regarder où on met les pieds. Mais Varanasi est surtout célèbre pour ses ghats. Le rituel du bain dans le Gange est censé nettoyer de tous les péchés.

Et comme il y a aussi beaucoup à voir, autre que les crémations et les bouses de vache, voici mes suggestions d’incontournables à voir à Varanasi:

  • Les ghats : un ghat est un ensemble de marches qui recouvrent les rives d’un fleuve ou d’une rivière. Le plus souvent, les ghats sont aménagés le long des fleuves sacrés. Ils permettent alors au pèlerin de rejoindre le fleuve pour s’y baigner et y pratiquer le rituel d’ablutions important dans l’hindouisme. À Varanasi, vous pourrez passer des heures à vous balader, à observer. On y retrouve de nombreux ghats. Prenez le temps d’admirer le spectacle de la vie, car c’est l’endroit idéal pour s’imprégner de la ville, des traditions, mais aussi pour mieux comprendre la religion hindoue. Médusant.
  • Lever de soleil : sous aucun prétexte, vous ne devez manquer le lever du soleil sur le Gange. La veille, entendez-vous avec l’un des bateliers et fixez un rendez-vous (ainsi qu’un prix) pour le lendemain. Le spectacle que vous offriront les pèlerins, les yogis et les sadhus ne vous fera pas regretter le tôt lever et fera le bonheur du photographe en vous.
  • Ne manquez pas les Puja (rite d’offrande) au lever et au coucher du soleil. Elles ont lieu tous les matins et tous les soirs en même temps que le lever et le coucher du soleil sur les ghats.
  • Pourquoi pas une petite pause yoga. Varanasi regorge d’Ashram et de classes de yoga de toutes sortes. Faites votre choix, il y en a pour tous les goûts.
  • Promenez-vous et perdez-vous dans les rues de Varanasi. C’est mon passe-temps préféré où que j’aille sur cette petite planète : me laisser guider vers l’inconnu, ainsi il y a toujours des surprises assurées. La ville est riche en découvertes. Vous rencontrerez de colorés sadhus. Visitez plusieurs temples, bien évidemment goûtez plusieurs plats absolument savoureux, et surtout, allez siroter un chai, un thé aux saveurs exquises.

L’Inde ne laisse personne indifférent. On repart de cet immense et populeux pays en ayant détesté ou adoré. C’est souvent l’un de ces deux extrêmes qui l’emporte. Varanasi ne déroge pas à la règle, bien au contraire, car elle provoque à la fois la fascination, l’étonnement, le dégoût, la stupéfaction, l’incompréhension… Mais c’est surtout une belle et magnifique occasion de pénétrer au cœur de la culture hindoue et de vivre un grand dépaysement.

« Voyager n’est pas toujours joli, pas toujours confortable. Parfois, il te fait mal, il te brise même le cœur. Mais ça va… Le voyage te change, il doit te changer. Il laisse des traces sur ta mémoire, sur ta conscience, dans ton cœur, et sur ton corps. Tu prends quelque chose avec toi. Espérons que tu laisses quelque chose de bon derrière » -Citation d’Anthony Bourdain, écrivain et romancier américain.

Le mot d’ordre pour bien comprendre l’Inde et Varanasi, c’est de savoir lâcher prise, de laisser tomber nos conventions et de regarder froidement la mort. Il faut accepter de remettre en cause notre vision du monde, de la société et de la vie. C’est ce que j’ai aimé ! Je n’oublierai jamais Varanasi !

Article rédigé par Deux Québécois autour du monde

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