La pollution en Inde est un fléau incomparable. On ne distingue le sol qu’au travers montagnes de déchets. Un étalage aussi choquant que celui des mendiants sommeillant sur les trottoirs. Ce, sur un nombre incalculable de kilomètres, de jour comme de nuit, jour de soleil comme de pluie.

Les odeurs quant à elles, aussi déroutantes soient-elles, laissent le sens olfactif en éveil constant. Un simple mouvement de tête de droite à gauche permet de distinguer deux odeurs se différenciant. Passant de pestilentielle au parfumée, du haut de cœur à l’intriguant.

Après la vue et l’olfaction, c’est au tour du gustatif d’être sollicité.

Les épices, une religion en Inde. Elles s’accommodent avec tous plats, tous mets. Le feu aux lèvres est la signature de l’Inde, nous rappelant l’intensité de ce pays si on venait à l’oublier. Le lassi, quant à lui, ferveur passionnée des Indiens, est le baume à lèvres après la torture des brûlures. Une caresse après une larme à l’oeil, tel un voyage sur le continent indien. L’épaisseur du lait, la saveur du fruit, la fraîcheur du verre et la tradition de cette boisson sont ce mélange transcendant auquel on ne peut échapper.

Ajoutons à ces 3 sens l’audition, qui est, je pense, la barbarie pour occidentaux. Pas un pas en extérieur sans un klaxon. Tel un orchestre mal orchestré, cela fuse, cela grimpe dans les aigus. Stagne quand cela devient inaudible, reprend de plus bel quand cela cesse. Un rythme effréné, épuisant dame tympan, écervelant maître nerf. Tendre l’oreille est un réel plaisir uniquement là, quand il s’agit des mélodies, celles qui s’échappent des prières ou bien de la flûte des rues qui accompagne notre marche d’un air enjoué.

Déstabilisé quand déjà 4 sens sont constamment sollicités, n’oublions pas cependant le corporel qui vient s’immiscer dans le quadruple.

Le choc thermique est une cadence infernale au pays de Gandhi. La chaleur écrasante de l’extérieur, grimpant au-delà du 40 épuise, freine, assoiffe. Le soleil, main dans la main avec la foule de rue, promet à tout être des chemins s’apparentant à des treks. Davantage déboussolé cependant quand cela vient à s’accoutumer avec l’air frigorifique des intérieurs. Que l’on se situe dans un métro ou dans un taxi, une boutique ou un complexe équivalant, la climatisation est ce qui règne constamment. Les températures chutant en dessous du 10, c’est là que le corporel est suscité, quand le passage du 10 au 40° est régulier. De la braise au gel, cela déstabilise, désoriente.

Un pays qui sollicite tous nos sens et, bien évidement, notre cœur. Aussi bien le réchauffer en échangeant un sourire avec un mendiant, que le froisser en distinguant que ce dernier n’a plus aucun membre.

Un excès de tout. Un contraste sur tout. Un choc pour tout, certes. Cependant, quelle grâce dans les sourires, quelle élégance dans les mouvements d’un sari, quel naturel dans la spiritualité, quelle majesté dans son architecture et quelle ferveur dans ses prières !

La dureté de la vie nous la rencontrons à chaque coin de rue. La beauté tout autant. Et c’est cette permanente dualité qui déconcerte.

Le Gange quant à lui est le berceau de leurs vies, à ces Indiens si croyants, si proches de leur terre-ciel. «Le Gange : un fleuve façonné par les Dieux, un espace spirituel, hypnotique, qui vous happe dès que vous y plongez le petit orteil.» Mes premiers pas dans cette eau étaient transcendants. Des siècles et des siècles de spiritualité venaient de toucher mon pied. Pour certains, cela n’est que de l’eau. Pour d’autres, il est reconnu comme étant une personne, décision rendue le 20 mars 2017 par la haute cour de l’État himalayen de l’Uttarakhand. Avoir été enseigné par de traditionnelles Indiennes sur la toilette, ce, dans ces eaux pures, fut le plus bel apprentissage que j’ai pu recevoir. Habituel à leurs yeux, unique aux miens.

Oh oui, Gandhi, tu as un beau pays.

Article rédigé par Clément Picot

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