Les autres générations n’ont pas tort lorsqu’elles parlent de nous, même si cela me fait de la peine de l’admettre, elles ont tout à fait raison. Notre génération est plus ouverte sur le monde et voyage beaucoup plus qu’avant, mais elle s’est perdue dans la surconsommation de relations, pas seulement amoureuses, mais de relations point, parce que voyager, c’est aussi rencontrer des connaissances.
Certains d’entre nous, voyageurs des temps modernes, se sont perdus dans les nombreux couloirs entre les terminaux des différentes étapes de la vie. Ils se sont perdus en actualisant une page en cherchant l’histoire de la vie ou plutôt le sens de la vie sur Internet, parce que, de vivre avec sa propre existence, ça ne s’apprend pas nulle part. C’est le genre de concept que l’on doit se planter sur le terrain pour comprendre les mises en garde des générations précédentes.
Au lieu de s’informer de ce que penseraient des gens comme Freud et Marx, ils consomment encore plus de relations pour trouver LE compagnon de voyage idéal, en se disant que, l’essai erreur, c’est un concept qui prend trop de temps, comme si Paulo Coelho avait surement écrit «L’alchimiste» sans effacer aucune ligne et l’avait rédigé d’une traite.
Ils sont rendus carrément au point de devoir se trouver une échappatoire avant même que la relation en question commence. Au cas où ils voudraient qu’elle se termine précipitamment, juste parce qu’ils sont tannés, qu’ils voudraient vivre autre chose, autre chose qui les ferait sentir plus vivants, parce que la personne qu’ils ont rencontrée ne sort pas assez des sentiers battus, qu’elle ne les fait pas rire autant que celle de la semaine passée dans l’auberge de la ville d’avant.
Alors ces nomades voyagent, seuls, en se disant que c’est mieux pour toutes les parties. Sauf qu’arrive toujours un moment où ils se sentent seuls à nouveau, où ils se retrouvent devant un paysage à couper le souffle et qu’ils se rendent compte qu’ils n’ont personne à leurs côtés pour simplement dire : «Wow, regarde comme c’est beau». Alors qu’est-ce qu’ils font, ces voyageurs? Le cercle vicieux recommence, parce que la vie c’est comme ça, c’est fait en rond : comme l’histoire qui se répète sans cesse ou encore les choses à la mode qui reviennent tous les 30 ans.
Ils partent à la recherche de quelque chose de mieux que ce qu’ils ont déjà, en quête de plaisir et d’aventure au lieu de rester chez soi et de tranquillement entretenir ce qu’ils possèdent déjà. Voyager, ce n’est pas toujours la réponse à tout. Encore moins quand on le fait pour les mauvaises raisons en étant entouré des mauvaises personnes.
Et le plus triste dans tout cela, c’est qu’ils refusent d’admettre qu’ils ont peur de s’engager, peu importe la relation, comme s’ils faisaient un pacte avec le diable contre leur âme et que c’était sans retour. Finalement, une belle gang de peureux. Une communauté aventureuse, certes, mais peureuse quand il est question de leur petit cœur. Ils ont tous un couple d’amis qui sont ensemble depuis longtemps, mais au lieu de se dire «Wow ils se sont trouvés!», ils se disent «Ils sont ensemble juste par habitude, ils ne sont juste pas capable de se laisser». Et s’ils étaient simplement heureux? On y pense plus à ce terme-là, être heureux, parce qu’on connait tous des voyageurs qui ont besoin de plaisirs immédiats et sans conséquence. Faux! Ils n’en ont pas besoin, mais c’est ce qu’ils recherchent.
Et si ces deux amis-là avaient juste voyagé ensemble ? S’ils avaient dormi dans des endroits miteux, parce qu’elle avait oublié de faire une réservation ? Si lui avait perdu sa carte débit et qu’ils avaient été obligés de revenir plus tôt par manque de fonds? S’ils avaient pris une mauvaise direction en voiture dans une ville étrangère et qu’ils s’étaient perdus ? S’ils avaient simplement appris à faire face aux imprévus ensemble ? Tout cela, ça contribue à former des liens. Ces choses-là, ça se bâtit, ce n’est pas le genre de choses qui nous tombe dessus.
On a beau se dire qu’il faut profiter du moment présent, que demain n’existe pas et qu’hier n’existe plus, mais à force de répéter ces conneries et de se dire que finalement tout le monde semble penser ça, on finit par croire en ce qu’est le concept de normalité par la majorité. Je dis «on» parce que, là, il s’agit d’un concept qui ne s’applique pas seulement au monde du voyage.
Cela fait en sorte que ces voyageurs-là font un paquet d’erreurs et qu’ils ne se donnent même plus la peine d’essayer de les réparer, parce qu’ils se disent que, de toute façon, ils ne passeront jamais le reste de leurs jours avec cette personne-là, qu’un petit bout de chemin ou un trajet de bus, c’est en masse. Alors ils achètent un billet d’avion et ils repartent, seuls s’il le faut, parce que ça sert à rien de mettre de l’eau dans son vin : ils reprennent l’avion de toute façon, peu importe où et avec qui, mais l’important c’est qu’ils repartent.
Ils passent à côté de bien des choses par entêtement ou par orgueil et, le plus malheureux dans toute cette histoire, c’est qu’ils s’en rendent compte, mais qu’ils prennent la décision de ne rien faire et de laisser tomber. Ils prennent la décision de ne pas se battre. La priorité, ce n’est pas les relations, c’est les voyages. Alors à quoi bon entretenir des relations qui ne leurs seront d’aucune utilité dans la destination suivante ?
Voyager, c’est apprendre. Apprendre d’un pays, apprendre d’une culture, apprendre des autres, mais cela permet aussi d’en apprendre beaucoup sur soi. Les autres générations n’ont pas tort lorsqu’elles parlent des nomades, même si cela me fait de la peine de l’admettre, elles ont tout à fait raison, parce que dans la communauté des voyageurs, il y en a beaucoup des comme cela. Les voyageurs qui font partie de cette branche-là sont probablement cachés dans les ruelles des différentes villes du monde, à la recherche de sensations. Pas seulement de sensations fortes, mais de sensations point, parce qu’à force de seulement connaître en surface, on finit par en oublier les profondeurs. Alors pensez-y…
Article rédigé par Élodie Beauvais
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