Ça fait environ une semaine que je suis revenue au pays. Je voulais vous faire une liste des 10 choses à faire en revenant de voyage pour continuer d’être heureux, mais je me suis dit que j’allais laisser ça à d’autres.

Ça fait une semaine que je suis revenue et j’étais partie depuis plus d’un an et demi. Mon sac à dos, je l’ai défait et refait près de 100 fois. J’y mettais à chaque fois un nouveau souvenir, une nouvelle image, une nouvelle ville, des nouveaux amis, j’y mettais surtout une nouvelle émotion.

J’écrivais dans mon dernier article que revenir allait être une nouvelle aventure. Croyez-moi, c’est exactement le cas. Je me suis assise avec ma mère en arrivant, nous avons discuté de ce que j’allais maintenant faire. Parce que bon, je n’ai plus de travail, j’habite chez elle dans mon lit simple d’enfant et j’ai maintenant 26 ans. Question légitime, je lui accorde. Ce que je tentais tant bien que mal de lui expliquer, c’était que j’en avais aucune idée. Que en ce moment je n’arrivais pas à mettre des mots sur mes émotions, que j’étais complètement déboussolée, perdue. « Mais comment tu peux être perdue ici, c’est chez toi? »

Je vais mettre une parenthèse ici, ma mère comme peut-être certains de vos parents est l’exemple parfait de la génération X. Elle habite au même endroit depuis plus de 30 ans, fait le même travail depuis environ le même nombre d’années et, quand elle voyage, c’est dans un tout-inclus ou pour aller voir de la famille toujours au même endroit. Elle n’a jamais fait un sac à dos. Elle a encore moins mis de nouvelles émotions à l’intérieur.

Je tentais de lui expliquer que, dans la dernière année, sa vie, sa routine étaient demeurées les mêmes. Que le jour où je suis partie et le jour où je suis revenue n’étaient qu’un espace temps. Je réintégrais ses habitudes normalement comme si rien ne s’était passé, ce qui est à peu près vrai.

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J’ai tenté le même discours avec certains de mes amis. En essayant encore une fois de leur dire que je n’arrivais pas à comprendre comment je me sentais. Certains d’entre eux sont en couple depuis des années. D’autre ont fait le parcours typique espéré de notre société. Ils sont heureux. Je ne le suis pas, pas en ce moment. Je me sens ingrate et coupable à la fois. J’ai de la difficulté à leur dire que ca ne va pas, parce que pour eux tout va. J’ai eu beau défaire mon sac et y sortir toutes les émotions que j’y avais accumulées, je ne les comprends pas. C’est un peu comme si mon espace temps s’était arrêté et qu’il n’appartenait plus à mon environnement présent. 
Je me surprends par moments à fixer le vide. À me remémorer des fous rires, des couchers de soleil, le son des vagues. Je me surprends à me rappeler d’une personne qui me faisait sentir d’une certaine manière dans un moment donné, précis. C’est comme si j’avais vécu des moments temporels, je me demande même si certains sont réels. Dans la dernière année, je me suis vue grandir, je me suis vue m’épanouir, me découvrir. J’ai fait face à des situations qu’auparavant je n’aurais même pas effleurées. Sortir de ma zone de confort, c’était ça. Ça doit en fait faire partie de la définition de voyager tout ça.

Le truc c’est que les personnes qui sont restées ici, elles ne les ont pas vécues ces émotions, ou du moins certainement différemment. Nos amis qui ont aussi voyagé, ils en ont mis d’autres sortes d’émotions dans leur sac, ils ont vécu leurs expériences. C’est extrêmement difficile d’expliquer, de d’écrire à quelqu’un une aventure vécue lorsqu’il ou elle n’était pas là. On s’entend que l’empathie est une très belle source de réconfort, mais qu’elle n’est pas donnée à tout le monde. Je commence à en avoir un peu ras le ponpon de me faire dire « donne-toi du temps! ». Comment vous pouvez savoir ce dont j’ai besoin, si moi-même je ne sais pas ce qui se passe dans ma propre tête!? Hier, je regardais des billets pour partir au Mexique. J’essaie simplement de fonctionner et ça ne fonctionne pas. Ironique quand même. 

Enfin bref, ce que j’en conclus dans cette dure semaine de réflexion c’est qu’il faut apprendre à ne pas comprendre. Et, ce, par soi-même et avec les autres. Il faut savoir simplement dire : je ne sais pas comment je me sens. Avec un sourire ou avec une larme. Il faut savoir dire j’ai besoin de mon espace, de retrouver mon temps ou peut-être pas. Il faut accepter que nous avons changé et que le reste est resté comme nous l’avons laissé. Que nous appartenons quand même à cet environment que nous connaissons si bien et si peu à la fois.

Il faut accepter de ne pas être compris aussi. Malgré les plus beaux efforts de certains, l’acceptation est une chose, la compréhension en est une autre. Il n’y a rien de mal à ça. À l’inverse, cela nous permet d’en apprendre un peu plus encore une fois sur nous-mêmes. Et puis après, un être humain ça ne se définit pas en 10 émotions écrites sur une liste bidon. C’est complexe et complexant et c’est difficile à comprendre…

Article rédigé par Gabrielle Sangollo.

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