«La vie est un long champ à cultiver. Voyager, c’est y semer la diversité de la Terre. Voyager, c’est l’embellir des couleurs du monde». Comme le dit si bien Ludovic Lesven, l’envie de partir à la conquête du globe peut progressivement se transformer en une recherche de la diversité et, pourquoi pas, une insatiable envie d’aller vers autrui. Mais à propos : n’est-ce pas le but du voyage tout simplement ?

L’envie de partir à la conquête du monde est une attitude noble. C’est faire preuve d’ouverture, d’affirmer une volonté de voir avec un autre regard, de comprendre sans préjugés… Tel est le but ultime du voyage. Mais pas seulement… Le véritable graal, la cerise sur le gâteau est sans aucun doute les rencontres que l’on peut être amenés à faire.

L’écriture de ce texte est le résultat d’une rencontre inopinée à la gare de Nice. Me rendant au travail, je suis tombée sur une Russe visiblement très perdue. Il faut dire qu’avec les grèves, prendre les transports en commun n’avait rien d’aisé, surtout pour un étranger. Alors je lui ai indiqué son chemin et le hasard a même fait que nous prenions le même train. Au cours du trajet, nous avons discuté et ri comme si nous nous étions toujours connues. Cette rencontre, d’une intensité rare et forte, me paraissait naturelle. En tout cas, dans mes souvenirs, elle l’était. Voyageuse, elle m’a fait comprendre que c’était ce genre de moment qu’elle recherchait, plus qu’une visite dans un musée ou une balade avec panorama.

Pourtant le voyageur en quête d’inconnu ne voit que trop souvent son échappée belle à travers la beauté d’un paysage ou l’aventure qui la caractérise. Néanmoins, partir loin sans être en mesure de faire des rencontres n’est pas réellement voyager. C’est juste se déplacer, aller ailleurs, voir de belles choses sans être en mesure de les comprendre. Si on prétend avoir envie d’exotisme, celui-ci doit être conjugué à la volonté de connaître l’autre. L’attitude du baroudeur se veut curieuse, à l’écoute et, surtout, combative des préjugés.

La beauté d’un périple va ainsi de pair avec les gens que l’on rencontre, avec qui on partage des moments qui se veulent inoubliables. À vrai dire, le partage et l’échange constituent les fondements du voyage. En tant que citoyen du monde, il faut s’inviter à multiplier les occasions pour rencontrer du monde et échanger à tout moment. C’est l’œuvre de destins croisés, d’amitiés que l’on construit, que l’on n’oubliera jamais. Toutes nos échappées belles sont rythmées par une forme d’intensité qu’il est difficile de défaire. On vit plus vite, plus fort, on fait connaissance avec des personnes qu’il n’est résolument pas possible d’oublier.

Sortir de sa zone de confort n’est pas seulement surfer une vague de trois mètres de haut, faire du stop sur le bord de la route par pluie battante ou grimper une montagne de 4000 mètres d’altitude. C’est aussi aller vers les gens, tenter de baragouiner quelques mots dans leur langue, tenter de «bousculer [nos] consensus commodes», tout simplement.

Il en résulte alors une forme de magie dans la rencontre. Des yeux d’enfants pétillent à voir des étrangers se balader dans leurs contrées lointaines. Je me souviens être restée à un café au bord de la route lors d’un bike trip au Vietnam avec des bambins autour de moi, curieux comme jamais. On parlait à l’aide de gestes ou encore en griffonnant des dessins. Leurs rires, je les entends encore. De tels moments sont et font les souvenirs d’une odyssée. Leur culture paraît si différente, mais de tels moments rapprochent, parce qu’en réalité la vie est au voyage ce que la rencontre est au partage. À bon entendeur.


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