Cela me fait bizarre. Lorsque j’ai commencé à voyager, j’étais uniquement munie de mon petit carnet, d’un appareil photo et d’un iPod pour me connecter. Je n’avais pas Instagram et j’utilisais uniquement Facebook pour donner des nouvelles. Durant mon premier grand « trip » de six mois en Amérique latine, je n’ai publié AUCUNE photo. J’ai juste été présente, vécu dans l’instant, en contemplation avec le monde, les gens et les cultures qui m’entouraient. Aujourd’hui, la donne est bien différente et remet en cause nos façons de voyager. Comment lutter contre un tel phénomène? Comment se conscientiser? Voici quelques éléments de réponse.

Cesser de voyager selon le potentiel « instagrammable »

Les influenceurs ont largement et inconsciemment participé à l’intensification de la fréquentation de certains sites touristiques. Suivis pour la plupart par des millions d’abonnés, le simple fait de se rendre dans une destination dite « prisée » invite leurs followers à faire de même. La conséquence est alors terrible : sites touristiques bondés, locaux fatigués par l’affluence, pollution en tout genre… Le cas de la rue Crémieux à Paris est devenu emblématique. De mon expérience personnelle, j’ai été frappée par le nombre de gens qui prenait en photo la non moins célèbre plage de Klingking sur l’île de Nusa Penida en Indonésie. En revanche, les plus aventureux descendus en bas de la paroi étriquée pour profiter des eaux turquoises -assez agitées par ailleurs- avoisine la vingtaine de personnes seulement… En voyant cela, le constat est bel et bien clair ; on se rend volontiers à un endroit pour y prendre une photo, plutôt que d’en apprécier son charme…

Cette culture du digital invite à se rendre dans un endroit pour faire comme tout le monde. Où est passé la sincère envie de voyager? Difficile à dire. Il m’est arrivé de rencontrer au Vietnam un jeune touriste qui m’a dit qu’il voyageait juste pour garnir son compte Instagram. Malheureusement, le dessein initial du voyage est réduit à une peau de chagrin : on cherche à aller loin non pour vivre des expériences ou connaître de nouvelles cultures, mais plutôt pour montrer à son feed et ses « followers » combien notre vie de « nomade » est belle, enviable et, a fortiori,  « instagrammable ». À Bali, les « Instagram tours » font fureur. De jeunes touristes en quête d’exposition sur la toile se font guider pour se rendre là où les plus grands instagrammeurs sont passés auparavant. Cet effet de mimétisme montre ainsi deux choses :

  • Que le touriste d’aujourd’hui se laisse guider par un effet de mode, plutôt qu’une sincère envie de découvrir le monde.
  • Que cette venue en masse cause de gros désordres à la biodiversité, aux locaux et aux lieux en tant que tels. Voyager DOIT nous inviter à explorer et découvrir plutôt que CONQUÉRIR.

Aujourd’hui, toutes ces causes comportent des conséquences graves :

Ainsi, le Machu Picchu a dû revoir ses quotas d’entrée. La non moins célèbre plage de Maya Bay (Plage du film « La plage » avec Leonardo DiCapiro) en Thaïlande a, quant à elle, été fermée pendant deux ans afin de laisser le temps au corail de se reformer. Mais jusqu’à quand? Ces solutions provisoires et illusoires cachent un malaise consternant auquel il faut remédier. En tête, nous vient ainsi un questionnement : quel comportement adopter? Comment voyager, et surtout comment publier?

Cesser de partager sa localisation sur les réseaux sociaux

Pendant longtemps, j’ai donné la possibilité à mes lecteurs de savoir où j’allais. Je suis allée moi aussi dans des endroits touristiques et j’ai expérimenté des situations loufoques afin d’obtenir LE cliché. Puis avec le temps, une certaine lassitude s’est installée. J’ai eu envie d’aller vers des endroits un peu plus inconnus. Mais à mesure que j’allais loin, un peu plus loin des sentiers battus, je m’efforçais toujours de donner la localisation aux lecteurs. Puis il y a peu de temps, j’ai changé d’avis. J’ai décidé d’adopter la technique initiée par WWF France qui invite à mettre « I Protect Nature » plutôt que l’endroit où je me situe…

Il faudrait, dans un monde idéal, réapprendre à voyager. C’est-à-dire à utiliser une carte, à faire des recherches, aller voir les locaux afin de demander conseil… De nombreuses solutions peuvent être mises à profit avec l’idée que la préservation d’un endroit est plus importante qu’une simple photo. Un simple post peut en réalité avoir des conséquences dramatiques.

Utiliser une localisation assez générale lorsqu’on se rend dans un endroit de toute beauté sera toujours plus bénéfique que la précision. Si on a vraiment envie d’aller à l’endroit convenu, il faudra chercher davantage. À titre d’exemple, sur mes posts lorsque je suis dans ma région et que je souhaite que la belle plage où je me situe reste préservée, je mettrai la localisation « Provence Alpes Côte d’Azur » à la place du nom précis. L’autre possibilité, engagée dans le sens de la protection de la biodiversité, est de localiser « I protect Nature ».

Comme blogueur, il est tant de revoir les schèmes digitaux qui ont contribué à l’usure, à la perte de beauté et d’authenticité de certains lieux pourtant considérés comme uniques au monde. Le tourisme est une consommation comme une autre. C’est juste à nous de faire des choix pour que les générations futures puissent elles aussi voyager avec pédagogie.

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