« Vivre » plutôt que « visiter », « expérimenter » plutôt que « faire », « découvrir » plutôt qu’ « aller voir ». Voici comment distinguer de subtiles différences entre le tourisme et le « slow travel ». Cet anglicisme se rapporte en réalité à l’âme du voyage ou l’idée avec laquelle celui-ci se déroule dans la lenteur afin de véritablement l’apprécier. Mieux, et si cette expression était l’essence même du voyage ?
Cesser la précipitation
Dans une culture de l’instantanéité, de la vitesse et du stress permanent, les touristes de ce monde profitent de leurs deux semaines de vacances pour en faire et en voir le plus possible. Difficile de les blâmer en sachant qu’ils disposent d’un temps limité pour voyager. Néanmoins, il convient de reconnaître que l’idée de tout visiter en un temps record va bel et bien à rebours de l’esprit du voyage. Celui-ci doit, à l’inverse, se rapporter à la découverte et à l’apprentissage qui, de toute évidence, se fait sur la durée plutôt qu’à la hâte.
L’absence de temps dont dispose les touristes les invite à se laisser guider par des tours organisés dûment chronométrés. Ce mode de consommation du tourisme met l’emphase sur la quantité plutôt que la qualité. Tout doit être fait par et pour le plus grand nombre. Le visiteur n’a jamais le temps de s’imprégner de la culture, de la comprendre, ni même de l’expérimenter. Les visites, bâclées, ne laissent pas le loisir au voyageur de véritablement vivre l’expérience de l’évasion. En voulant tout voir, le touriste ne voit rien et ne peut pas comprendre. Il préfère prendre des photos qui seront, quant à elles, sublimées par des filtres Instagram. Œuvre d’une hypocrisie sans relâche, tout dépend de cette logique consumériste qui vise à dire « j’y étais » plutôt que « j’ai vécu »…
Alors comment voyager ?
Refuser la consommation effrénée du voyage nous invite alors à nous pencher sur d’autres façons de voyager. Le « slow travel » en fait partie. Il est l’âme du voyage, il met l’accent sur les expériences humaines, culturelles, culinaires… Pourquoi ? Car le voyageur, contrairement au touriste, dispose de davantage de temps, nécessaire pour apprendre à connaître autrui et l’endroit dans lequel on reste. Le « slow travel », c’est ne pas compter ses jours pour apprendre à découvrir un endroit. C’est se laisser aller, se laisser porter par l’air du temps. C’est cesser la planification intempestive. Comme le dit les quelques mots de Gao Xingjian, « le vrai voyageur ne doit avoir aucun objectif ».
Prendre son temps possède de nombreuses vertus. L’une des plus importantes est à priori, les rencontres avec des locaux et d’autres nomades. D’une manière plus naturelle et plus instantanée, le « slow traveler » s’ouvre et se rapproche davantage d’autrui. Cela permet de vivre des moments uniques, improvisés et, à terme, mémorables.
Les interactions avec les locaux nous permettent d’étancher notre soif de curiosité et d’acquérir de nombreuses connaissances sur la culture du pays dans lequel nous sommes. Voyager en prenant le temps fait également réaliser aux nomades combien le moment présent est d’une ultime importance. L’absence de planification aide à y voir plus clair sur ce que l’on fait à l’instant T plutôt que de se focaliser sur le programme du lendemain et du surlendemain. Vivre l’instant présent, c’est également se prêter au jeu de nos cinq sens, être conscient de ce que l’on fait, de ce que l’on vit. S’en rendre compte fait de nous un voyageur averti, accompli et éveillé. C’est une liberté qui n’a pas de prix.
En conclusion, la vitesse est la mort du dessein même d’évasion. Le voyage c’est découvrir et non courir. C’est apprendre à se laisser aller en faisant place à la beauté de l’imprévisibilité. Le « slow travel » c’est accepter l’incertitude comme une ode à l’aléatoire. Pourquoi? Parce que c’est l’apogée de la liberté.
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