« Le vrai voyageur ne doit avoir aucun objectif ». Ces mots de Gao Xingjian parlent d’eux-mêmes. « Le vrai voyageur » ne doit pas savoir où il va, il doit accepter de se perdre, d’aller en dehors des sentiers battus, pour vivre la plus belle des aventures. Or, depuis la démocratisation du voyage, le touriste veut tout voir, tout explorer, tout prendre en photo en un laps de temps record. Mais en voulant tout voir il n’a rien vu. Pas même eu le temps de poser les valises. Paradoxe ultime. La planification à outrance et les objectifs ruinent un voyage… Alors pourquoi s’évader de la sorte ?

Cesser de faire comme madame et monsieur tout le monde

Il faut dire que le tourisme, devenu de plus en plus accessible, offre d’infinies possibilités aux voyageurs. Ceux-ci, alors emportés par le tourment du « must do » et « must see », ne se laissent plus guider par leurs sens et leur instinct comme le faisaient les explorateurs… Le touriste type cherche à tout connaître, explorer les lieux recommandés et, finalement, faire comme tout le monde.

Il faut reconnaître que les destinations en vogue encouragent les explorateurs des temps modernes à voir « ce qu’il faut absolument voir ». Il est ainsi difficile de passer à côté du Macchu Pichu lorsqu’on se trouve au Pérou. Incontournable, cet endroit s’est pourtant transformé en fleuron du tourisme de masse et, ce, en moins d’une décennie… Le site historique péruvien est malheureusement un exemple parmi tant d’autres. En réalité, il n’y a pas de mal à visiter des incontournables. Encore faut-il ne pas voyager avec un itinéraire préfabriqué par les guides et conseils aux voyageurs (qui offrent aussi une bonne source d’information, à condition de les utiliser parcimonieusement).

La planification, un mal nécessaire? 

Explorer sans plans préétablis est sans conteste la meilleure façon de voyager. Comme tout le monde, mes premiers voyages se sont résumé à aller voir l’incontournable. Mais avec le temps, je me suis aperçue que se mettre la pression pour tout voir conduit bien trop souvent à l’échec. Trop de monde, peu de possibilités, auberges blindées, réservations nécessaires partout, plus de place au rêve en soi. Une telle façon d’envisager escapades à l’autre bout du monde façonne le tourisme de masse, porte préjudice à l’essence même de l’évasion et vient même à nous révulser du voyage…

Par ce genre d’attitude, comment peut-on avoir la prétention de dire « j’ai fait, j’ai vu » en restant même pas 24 heures au même endroit ? Le paradoxe du voyageur aux finalités multiples visite tout montre à la main de peur de rater le train ou le bus pour la prochaine étape. Ces odyssées à grandes vitesses témoignent du triste état du voyage mondialisé ou tous veulent voir sans comprendre, prendre en photo sans être sensibilisé et prétendre témoigner sans connaître… Avec des objectifs, trop ambitieux peut-être, il est facile de passer à côté des choses que l’on a vues, sans les voir…

Explorer sans finalités pour mieux voir et mieux connaître

Alors comment voyager sans objectifs ? C’est être en mesure d’accepter de ne pas faire comme tout le monde. Ceci étant dit, planifier un minimum son voyage n’est pas une mauvaise chose. Tout est une question de dosage. Il faut être capable d’accepter les imprévus et de se laisser porter vers l’inconnu, même si cela fausse nos plans initiaux.

L’aventure commence réellement en dehors de notre zone de confort. Une escapade offre ainsi la possibilité de se laisser emporter au gré de ses envies, de son instinct et des rencontres que nous sommes amenés à faire. Celles-ci peuvent nous guider et nous permettent de nous émanciper. Mieux. L’idée est de se laisser bercer par l’émerveillement plutôt que la fréquentation. Un endroit touristique n’est pas nécessairement le plus beau ou le plus dépaysant. À bon entendeur.

Être voyageur c’est ne pas avoir peur de se perdre et d’aller vers l’inconnu. Le voyage n’est pas uniquement là pour satisfaire une soi-disant envie d’évasion, il permet de vivre une aventure hors du commun. Il est plus qu’un point sur une carte, il est une rencontre, il est un dépassement de soi, il est une échappée belle, tout simplement.


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