« Tu t’arrêtes jamais! », « Quand est-ce que tu vas arrêter de courir partout ? » « T’es pas bien ici? », « C’est bien de voyager, mais c’est pas la vraie vie tu sais. Un jour, il va falloir que tu penses à avoir une vie normale et stable hein?! », « Tu vis dans un rêve, tu ne te rends pas compte des responsabilités d’une vie adulte, de toutes ces contraintes que tu es obligée d’accepter. Tu ne le réalises pas maintenant, mais bientôt la réalité te rattrapera tu sais, on passe tous par là, c’est la vie! ». J’ai à peine 20 ans, et pourtant j’ai déjà entendu ces phrases – parfois avec un ton enthousiaste, parfois avec un ton admiratif, mais aussi parfois avec un ton de remise en question, de rappel à l’ordre.

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Métro de Sydney, il y a un peu plus d’un an, une semaine avant de rentrer à la maison après mon premier long voyage. Je me revois en train de sortir mon carnet, un stylo, et tracer noir sur blanc avec application cette interrogation qui me revenait souvent en tête les derniers temps: WHICH REALITY IS THE REAL ONE ? Comme si j’avais besoin de l’écrire pour comprendre, pour appréhender ce retour prochain dans la réalité « normale ».

C’est bien connu, le voyage est une source importante de nouveautés en tous genres, on rencontre de nouvelles personnes, on s’imprègne de nouvelles mentalités, on découvre de nouveaux paysages, on s’acclimate à des températures différentes, on apprend et on s’accommode à de nouvelles cultures, on entend de nouvelles langues, et la liste des nouveautés est infinie. Alors POURQUOI ? Pourquoi est-ce-que je devrais revenir à la vie communément appelée « normale » ? Au départ, ce qu’on veut c’est bien de vivre heureux, non ? Je me suis dit que beaucoup vivaient dans la normalité en étant heureux, car ils avaient acceptés depuis longtemps que leur vie se résumerait à ce schéma et à cette routine. Pourtant, depuis petite je rêvais de grandes choses, d’océan à perte de vue, de sommets, de partage, de sentiments, d’intensité, de réunion, d’aventure, de nouveauté et, par dessus tout: de découverte.

Je me suis demandée pourquoi est-ce que les 7 mois de bonheur et de surprises quotidiennes que j’avais connus devaient-ils s’arrêter sous prétexte d’être raisonnable et de reprendre une vie «normale» ? Et si je voulais que ma réalité, ma vie « normale » soit constituée de couleurs incroyables, de nouvelles odeurs, de chants d’oiseaux exotiques, de sourires d’enfants, de réveils dans les montagnes éclairées par la rougeur d’un lever de soleil, de longues vagues, de musique, de routes à perte de vue, de la sensation du sable chaud sous mes pieds, de couchers de soleil tous les jours, de saveurs intrigantes, d’animaux étranges, de regards pétillants, de fous rires, de coups d’oeil complices, de danse, d’espoir ?

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Il m’a donc fallu tout ce temps pour réaliser que chacun de nous avait sa réalité et que, malgré des années de formatage intensif, mes rêves d’enfant avaient subsisté. J’ai réalisé la chance que j’avais de pouvoir encore entendre la petite fille que j’étais. J’ai compris l’importance de ne jamais la faire taire. J’ai su que c’est elle qui me guiderait vers une vie heureuse. Je me suis souvenu de cette phrase que j’avais souvent entendue: « La vérité sort toujours de la bouche des enfants ». Je me suis demandé alors pourquoi est-ce que l’on ne prenait jamais au sérieux un enfant lorsqu’il disait qu’il voulait devenir astronaute, guérir toutes les maladies, être un aventurier ou encore inventer ceci ou cela ? Pourquoi et comment c’était devenu une habitude de faire comprendre aux enfants qu’il fallait faire des choses sérieuses, arrêter d’avoir la tête dans les nuages et les yeux pleins d’étoiles ? Pourquoi est-ce qu’on essayait de nous convaincre partout que le monde était dangereux ? La plupart des gens mauvais ?

Tous ceux qui ont voyagé, qui ont accepté une autre réalité que celle qu’on voulait leur inculquer, vous diront surement la même chose. Alors que je me trouvais loin de tout ce que je connaissais, ce que j’ai réalisé de plus important était la beauté du monde et surtout celle des gens. Je me suis rendue compte que les personnes profondément bonnes étaient bien plus nombreuses que celles mal intentionnées, j’ai compris que la nature avait encore beaucoup à offrir et qu’elle méritait d’être aimée. J’ai ré-appris à sourire et à rire à longueur de journée, comme un enfant. Mais par dessus tout, j’ai appris à vivre chaque instant, sans penser au lendemain, ni même au jour d’avant.P2130343-min

Ce jour-là dans le métro, alors que je gravais de mon stylo noir ces mots, j’ai réalisé ce que voyager m’avait appris et tout ce que je voulais continuer d’apprendre. Je me suis alors faite la promesse de ne jamais faire taire la petite fille qui me répétait sans cesse de découvrir, qui me posait des questions sur tout. Bien qu’elle soit considérée comme un rêve (irréalisable, pas raisonnable) pour beaucoup, je me suis promis de suivre ma réalité, de continuer à rêver ma vie et à vivre mes rêves.

Article rédigé par Ella Leroy

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