La route : l’itinéraire pour atteindre la destination visée. Entre le commencement et l’arrivée, une foule d’opportunités, de découvertes, de détours, de demi-tours et de coups de cœur. De Vancouver à l’Alaska, ce sont des kilomètres de possibilités qui ont formé notre parcours nordique de voyageurs.

« Moi j’ai une demande spéciale! Je veux absolument aller à Dawson City, juste une nuit, pour regarder les aurores boréales. », dit l’un des comparses de notre trio nomade. « Tellement! On le fait! », les deux autres étant déjà convaincus de la nécessité d’emprunter le route du Klondike.

Puis, il y a quelque chose d’épique dans le fait de rouler vers le nord, en Tercel 1990, modifiant notre itinéraire à chaque intersection, l’atlas routier entre les mains. Détrompez-vous sur notre insouciance, il faut toutefois être vigilants pour entamer un périple de ce type comportant plus de 9 000 kilomètres sur des routes aléatoirement asphaltées, parsemées de villages épars, de stations d’essence rarissimes annoncées sur les indications routières…

Plus on avance parmi les bois denses de conifères, les feux de forêts du nord de la Colombie-Britannique, les ours qui longent la route, puis les bisons, plus on saisit l’importance d’avoir, dans le coffre, un bidon d’essence de sûreté ainsi qu’un pneu de rechange. Deux éléments que nous avons dû utiliser au cours du voyage.

Ce n’est pas une légende : le nord est vaste et peu dénaturé par la modernité.

Puis, il y a quelque chose qui se dépose, intérieurement, lorsque l’on aperçoit l’imposante affiche de bois annonçant notre entrée au Yukon : plus grand que nature. C’est la phrase toute indiquée pour préparer les non-initiés, ceux qui n’ont jamais ressenti, à ce jour, le vertige créé par l’immensité indomptée et sauvage du Yukon. C’est magnifique et épeurant à la fois, cela provoque des frissons d’émerveillement comme de peur, à craindre, par moments, dans les ombres et les silences de la brunante, les loups et les grizzlis.

Puis, doucement, le Yukon réveille en soi cette fougue primale que la nature d’ici, elle, n’a jamais oubliée.

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Les chemins se ressemblent : un océan de vert, des sommets déchiquetés, des ponts de fer blanc, avec ça et là quelques fleurs de toundra fragiles et fières qui longent ces routes qui ne semblent avoir ni commencement, ni fin. Tout est démesurément grand, à en perdre ses repères. D’ailleurs, cette nouvelle perspective, cette profondeur insondable, demande plusieurs ajustements lors d’ascensions et de randonnées : les distances jouent parfois des tours. Évaluez bien la longueur des sentiers à l’aide de cartes topographiques et des conseils de rangers pour éviter de côtoyer la facette sombre et fatale de cette nature certes jolie, mais intransigeante.

Puis, une fois franchie la frontière entre la Colombie-Britannique et le Yukon (si l’on emprunte la route 37), dix heures de route sont encore à parcourir pour atteindre Dawson City. Quelques parcs et campings bon marché longent cette dernière comme alternatives d’hébergement pour les « gens de brousse » et à petit budget. Sinon, les villes comportent souvent des chambres confortables de tout genre. Conseil de routard : prudence pour le camping aléatoire le long des routes puisqu’il est parfois difficile de cerner ce qui est terrain privé ou public, puis il faut trouver un endroit où cacher un peu la voiture durant la nuit. Avec la présence de certains sites de camping, rudimentaires mais très peu coûteux, il faut évaluer l’économie versus les risques à prendre pour une nuit de camping gratuite. Nous l’avons fait à quelques reprises, quand les lieux étaient propices, il suffit de bien évaluer la situation.

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Pour notre part, nous avons dormi sur les rives de la rivière Yukon, entre Whitehorse et Dawson. Assis sur le quai, nous avons alors constaté la dominance du silence, à peine perturbé par le vol des nombreuses libellules qui n’affaiblissait en rien la puissance du décor qui s’imposait, naturellement. Nous n’avons pas vu ni étoiles ni aurores, puisque nous avions oublié, touristes que nous étions, qu’à cette période-ci de l’année, le soleil de minuit brille de jour, comme de nuit. Pour voir les aurores, il faut préférer les mois d’octobre à avril. Cela nous a donné une bonne raison d’y retourner…

À notre arrivée à Dawson, sur la Front Street longeant la rivière, l’atmosphère y est gaie : des musiciens jouent dans un parc en plein air, les touristes arpentent les rues colorées de maisons de bois antique, plusieurs visiteurs arborant casques et bottes de cowboy. On ne peut oublier un instant l’histoire de la ville, construite à la fin des années 1800, durant la ruée vers l’or. Mais soyons prudents, ce site était occupé, bien avant l’arrivée des prospecteurs, par les Tr’ondëk Hwëch’in (people of the river) qui habitent maintenant un village avoisinant ouvert à ceux désireux de connaître leur histoire et leurs traditions.

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Une foule de galeries, de musées, de circuits organisés et de panneaux historiques permettent aux nombreux visiteurs de Dawson de se familiariser avec la riche histoire et la culture locale. Plusieurs se laisseront tenter par une initiation à la prospection d’or, où le temps d’une journée on apprend comment se déroulait la conquête des sols aurifères. Il ne faut toutefois pas passer à côté du dôme, point de vue remarquable tout près du centre. On y réalise la petitesse de la ville, un brin perdue dans une éternité de conifères, la rendant, paradoxalement, encore plus forte et fragile.

Côté accommodations, comme la ville est très prisée par les touristes, il y en a plusieurs, pour toutes les gammes de prix, de l’auberge de jeunesse aux hôtels haut de gamme. Petit conseil : les hébergements sont souvent moins chers, mais moins nombreux, de l’autre côté de la rivière, dans West Dawson,  en face du centre-ville. Il y a un ferry qui relie constamment les deux rivages en période estivale.

Pour notre part, nous avons plutôt opté pour la jouer solo, à arpenter les rues et les sentiers de randonnée environnants, mais surtout en appréciant l’hospitalité reconnue de cette ville qui, à première vue, semble toujours avoir son statut de refuge. Un lieu de rassemblement dans l’isolement nordique, où des gens en quête de sens, des prospecteurs de rêves, semblent toujours y trouver réconfort, comme occupants permanents ou saisonniers.

Nous avons eu de la chance, puisqu’un ami y vivait depuis plusieurs étés et nous a proposé une découverte nocturne des lieux, puisque le plan « aurores à Dawson » n’était pas possible.  Et puis, ne pas faire la fête à Dawson City, c’est quasi impensable. Ici, en cette période de lumière sans fin, on est heureux d’avoir survécu aux noirceurs éternelles de l’hiver, au froid, à l’isolement. Ce soir-là, nous avons pris un « coup de blanc » avec nos nouvelles amitiés éphémères, pour célébrer la vie, pour vibrer aussi fort que leur petite communauté boréale.

Il était 22h30,  le soleil plombait comme s’il était midi et nous avons entamé notre tournée des bars, un brin déboussolés par l’éclairage. Notre premier arrêt a été le Downtown Hotel où le très réputé rituel de la « sourtoe » est pratiqué. On doit poser ses lèvres sur un vieil orteil de mineur déshydraté, noir et franchement répugnant, déposé dans la dose d’alcool fort, de préférence du Yukon Jack qui nous est offerte. Cette tradition ainsi que celle du « Screech-in » terre-neuvien sont certainement loufoques, mais perpétuent tout de même des ambiances de fête et, ce, depuis belle lurette.

Puis, un détour au « Diamond tooth Gambling house » va de soi, afin de se replonger dans les années prospères du Klondike. Cette époque où les jeux d’argent, le french cancan et la boisson constituaient les luxes de cette nouvelle vie mondaine trouvée par plusieurs personnes dans cette grande aventure qu’était la ruée vers l’or. Il faut toutefois se laisser aller à l’ambiance, se prêter au jeu, pour ne pas sombrer dans un certain dégoût de la chose, dans cette mince ligne qui sépare parfois la déchéance de la fête.

Nous avons terminé la soirée au fameux Pit Bar où les histoires locales, les personnages comme les touristes, se côtoient souvent jusqu’au matin. C’est l’endroit privilégié pour faire la fête, mais surtout pour découvrir Dawson au contact improvisé des gens qui y vivent. Les bars et les pubs sont souvent les lieux de choix pour s’introduire rapidement, avec beaucoup de plaisir et d’intensité, dans une culture locale.

Le lendemain, s’il vous reste encore de l’énergie, il faut emprunter l’une des plus belles routes du Yukon, la Top of the world highway, menant aux frontières de l’Alaska. La route serpente littéralement au sommet d’une chaîne de montagnes, sur près de 105 kilomètres parfois asphaltés où les nuages semblent frôler l’habitacle de la voiture.

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C’était notre nuit à Dawson City, en route vers l’Alaska. Elle fut inoubliable, tel un rêve qui nous prend par surprise et qui nous sort de notre sommeil.

Références intéressantes :

Article rédigé par Gabrielle Coulombe.

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