On a souvent dit de moi que j’étais capable de me sortir de n’importe quelle situation. C’était quelque chose que mes amis trouvaient comique en voyageant, lorsque je me plaçais dans une situation pas possible, puis que j’en disparaissais dans le temps de le dire.

En juin 2015, j’ai compris que s’il est parfois difficile de se sortir de certaines situations en voyage, tout est toujours possible. Alors que je venais de finir une excursion avec des amis à Lombok, en Indonésie, il était temps pour moi de leur dire au revoir et de retourner à Perth, en Australie, où j’habitais. Adieux faits, mon plan était de prendre un bateau pour aller à Bali, surfer avec un ami en après-midi puis rentrer avec lui à Perth le soir venu. C’est alors que le trouble s’est invité dans mon voyage, faisant exploser le bateau qui devait m’amener à Bali. Ma tête était fracturée à l’arrière. Je ne me rappelais plus où j’étais. J’étais couvert de sang et assez étourdi. En l’espace de quelques heures, je suis passé du passager qui, sous l’impact, ne se souvenait plus de qui il était, au seul passager parmi les 130 présents à atteindre l’île de Bali avant minuit. Tout ça, par mes propres moyens. Je vous fait part de quelques conseils expérimentés cette journée-là, afin que vous puissiez vous aussi sauver vos moments précieux de voyage si le trouble s’y invite.

Ayez un seul objectif

Quand quelque chose de grave survient, il est souvent difficile de savoir quoi faire dans quel ordre. On désire revenir à notre état normal, mais on en oublie souvent l’essentiel. C’est pourquoi il est primordial d’avoir un seul objectif à accomplir. Pour moi, l’essentiel, c’était de revenir en Australie pour me faire soigner, rien de plus, rien de moins. Lorsque j’ai compris exactement que c’était ce que je voulais, je ne me suis plus soucié du reste. Chaque geste que j’ai posé était pertinent pour atteindre mon but.

Lâchez votre cellulaire

Si vous êtes dans une situation qui nécessite toute votre attention et que vous devez agir rapidement, fermez votre cellulaire et agissez à la place de planifier. Alors que la plupart des personnes atteintes par l’explosion essayaient d’appeler des numéros d’urgence (probablement saturés pendant les heures suivant l’explosion), je parlais avec les locaux disponibles. Lorsque je suis revenu au port de Lombok, j’avais une dizaine de personnes autour de moi qui étaient en train de débattre sur quelle était la meilleure solution pour que je réussisse l’objectif que je leur avais communiqué. Nul besoin de dire que c’était 100 fois plus efficace que de texter ma mésaventure.

Constituez une cellule de crise efficace

Même en voyageant seul, il est possible de se constituer une équipe ultra pertinente. N’ayez pas peur de demander. Idéalement, vous devriez avoir des personnes qui vous aident sur les lieux et une équipe à distance qui est au courant de la situation. Ça pourrait vous sauver si jamais les choses se compliquent. Pour ma part, ça a été un Allemand et une Allemande, tous deux extraordinaires, qui m’ont pris en charge sur les lieux. Liza pansait ma tête tandis que Murat s’occupait de retrouver mes bagages éparpillés un peu partout. J’ai finalement donné mon adresse courriel et mon mot de passe Facebook à Murat pour qu’il me constitue une équipe à distance en informant, avec mon propre compte, trois amis qui se trouvaient à Bali, à Lombok et en Australie. Notez que j’ai fait le choix de n’avertir personne au Québec, mais que la personne alertée à Lombok était une amie québécoise. Elle aurait pu entrer en contact avec Montréal, si elle avait jugé que c’était nécessaire. Sans que je n’aie eu besoin de me connecter à Internet, mes deux « équipes » sont donc entrées en contact pour gérer les détails de ma vie, comme du transport d’urgence dès mon arrivée à l’aéroport de Perth. Sans cette certitude que mes amis géraient la situation à distance, j’aurais difficilement pu prendre les risques que j’ai pris. Est-ce que ça a fait de moi un bon ami? Non, bien au contraire, je leur ai créé énormément de stress. Mais rappelons-nous que mon seul but était d’atteindre l’Australie rapidement. Mes amis savent que je leur en serai reconnaissant toute ma vie. Les Allemands, eux, reçoivent une carte de Noël à chaque année.

L'art de se sortir du trouble

Osez dépenser

Dans n’importe quelle situation, à n’importe quel endroit, vous avez le pouvoir de devenir une personne hyper importante. La journée où l’explosion a eu lieu à Lombok, j’ai réellement compris une triste vérité sur beaucoup de pays où nous, Occidentaux, aimons voyager. L’argent fera de vous la personne la plus importante du monde. J’ai compris ceci en essayant d’héler un taxi pendant plus de 5 minutes sur une route de campagne, après l’explosion. Ayant beaucoup de sang au visage et sur mes vêtements, aucune voiture ne voulait me prendre avant que j’aie une idée: héler un taxi avec mon portefeuille à bout de bras. Une voiture s’est arrêtée en quelques secondes. Hasard ou résultat escompté? On ne le saura jamais vraiment, sauf que le chauffeur a accepté de doubler sa vitesse lorsque je lui ai montré que j’étais prêt à payer. Rappelons-nous que votre but, ce n’est pas de sauver le monde, c’est de sauver votre personne. Vous comprendrez donc que votre but n’est pas d’économiser de l’argent, mais de faire en sorte que celle-ci vous amène où vous voulez, peu importe la quantité requise. Vous en gagnerez d’autre plus tard. Ayant compris ceci, ma première action lorsque mon chauffeur m’a regardé d’un air inquiet a été de lui doubler son tarif pour qu’il double son efficacité, ce qu’il fit avec brio. Ma deuxième action fut de lui demander d’arrêter à une banque en chemin. Osez dépenser pour atteindre l’objectif que vous vous êtes fixé pour vous sortir de votre situation.

Décantez, pensez, rationalisez

Si vous avez suivi mon aventure jusqu’ici, vous pensez probablement que je suis une personne bien impulsive. Pourtant, je peux vous confirmer que tous mes gestes cette journée-là étaient pensés, rationnels et réfléchis. Les décisions étaient intenses à prendre, oui, mais en agissant impulsivement, je serais sûrement resté attendre dans un hôpital sur l’île de Lombok. Je n’aurais jamais atteint Bali, puis l’Australie, à temps. Je n’aurais probablement pas eu de traitements appropriés pour ma tête. Prenez donc des moments pour réfléchir aux conséquences de toutes vos décisions ou opportunités et, surtout, soyez prêts à les assumer. Encore aujourd’hui, je ne crois jamais avoir réfléchi plus fort qu’en cette journée. En ayant fait toutes les autres actions plus haut (viser un seul objectif, déléguer toute ma vie et ne pas piocher sur un cellulaire), j’avais amplement le temps de réfléchir à la manière dont j’allais me sortir de Lombok.

En écrivant cet article, je réalise que ce ne sont pas toutes les situations qui sont pareilles, loin de là. Certaines d’entre elles nécessiteront votre cellulaire pour appeler à l’aide. D’autres vous pénaliseront si vous avez un surplus d’argent. Il y a des situations bien pires qui peuvent se produire lorsque vous voyagez et j’ai confiance qui si vous adaptez quelques-uns de ces conseils, vous serez capables de vous sortir du trouble rapidement. Pour moi, m’en sortir impliquait l’Australie parce que j’avais confiance en leur système de santé. D’ailleurs, arrivé à Perth, il m’a fallu seulement deux heures et une dizaine de broches pour qu’on prenne soin de ma tête. Le fait que je sois arrivé en même temps que l’explosion couverte par les nouvelles sur la télévision de la salle d’attente était presque cocasse, rendu là. Les jours qui ont suivi ont été parmi les pires de ma vie, mais, au moins, j’étais entouré de mes amis qui m’ont énormément aidé. Parfois, on a beau prévenir le pire, mais c’est un autre « pire » qui s’invite dans notre excursion. Soyez prudents, ayez de bonnes assurances et projetez-vous dans des situations d’inconfort avant qu’elles n’arrivent. Pour le reste, si vous êtes dans le trouble, vous en apprendrez l’art de vous en sortir, c’est une promesse.

Francois Boudrias

P.S.: Si vous êtes de passage en Indonésie, n’utilisez donc pas les services de Wahana Gili Ocean pour vous déplacer.

Article rédigé par Francois Boudrias.

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