Je venais de terminer ma maîtrise dans le domaine de l’environnement. Ma copine était actuaire dans une compagnie d’assurances depuis déjà deux ans. Nous avions un avenir professionnel fort prometteur. Plutôt que de se lancer à pleine dents dans cette nouvelle « aventure » qu’est le milieu du travail, nous avons plutôt décidé de prendre du recul et de faire une pause. Une pause du marché du travail, alors que nous n’avions même pas encore totalement embarqué dedans?
Se questionner est tout naturel lorsqu’on voyage. On rencontre des personnes qui pensent différemment, des façons de penser que l’on n’aurait même jamais imaginées. On remet en question le monde dans lequel on vit, même notre mode de vie que l’on a toujours pensé être le « bon ». Et là, plus rien n’est certain. Toutes les normes qui avaient été faussement établies dans le passé tombent. Le feu de l’imagination se remet à prendre. On se remet à vivre.
Quand on commence à poser des questions, on commence à mourir.
-Jacque Garneau
Cette citation a de quoi me faire dresser le poil sur les bras. Lorsqu’on est jeune et qu’on pose 1001 questions, on se fait automatiquement dire qu’on est un petit curieux et qu’on va gagner un prix Nobel. Et avec raison, puisqu’avec la curiosité vient l’intelligence. Cette citation m’apparaît donc un non-sens. Selon moi, c’est plutôt lorsqu’on embarque dans une routine du genre se lever, travailler, dormir, répéter que l’on commence à mourrir et non lorsqu’on questionne le monde qui nous entoure.
C’est ainsi que l’idée de prendre une pause pour mieux se questionner sur la vie apparaissait toute naturelle. Comment peut-on prendre un pas de recul sur notre vie, alors qu’on a les deux pieds dedans? On se lève tous les matins pour gagner son petit pain après ne pas avoir assez dormi, car on a passé la soirée à philosopher sur comment changer le monde. Après notre journée de travail, avec son horaire typique de 8 à 5, on est vidés de notre « jus de cerveau ». Le soir venu, on est des zombies qui, devant une série Netflix, n’attendent qu’à la nuit pour pouvoir enfin relaxer quelque peu avant de recommencer ce même modus operandi dès le lendemain. Il nous est donc jamais possible de s’arrêter pour se poser des questions qui vont défaire les certitudes de notre vie.
Il faut savoir poser des questions qui déboulonnent les certitudes.
-Raymond Lévy
Mais, quelles sont ces certitudes de notre vie nord-américaine? Mon hypothèse de base serait la célèbre chanson des Respectables : L’argent fait le bonheur. Est-ce vraiment une équation qui tient toujours en 2018, Argent = Bonheur ?
Comme on sait que pour pouvoir jouir d’un certain bonheur avec de l’argent, il faut la dépenser et donc consommer, je poserais l’expression Argent = Consommation, ce qui voudrait dire que Consommation = Bonheur. La consommation, c’est le bonheur, vraiment ? Sous la forme qu’a prise la consommation dans notre société, celle-ci amène définitivement le monde dans lequel on vit à sa fin. Le climat de la planète change car notre modèle économique est basée sur la croissance, ce qui nous fait sans cesse consommer. Ce que disent les scientifiques, c’est que si les choses ne changent pas, notre mode de vie actuel va mener à notre perte.
Certes, je dois l’avouer, la consommation amène un certain bonheur: un bonheur éphémère qui ne peut profiter qu’à notre génération d’humains. Cette consommation abusive laissera pour les écosystèmes et les générations futures une Terre dénaturée, dont la seule fonction n’aura été que de servir l’économie de croissance et le bonheur individuel.
Face à ce constat que quelque chose ne tourne pas rond sur Terre, je me questionnais de plus en plus sur cette question qui m’obsédait. J’y trouvais quelques éléments de réponse par-ci et par-là. Par exemple, j’adoptais des habitudes de vie plus saines pour la planète, comme réduire drastiquement ce que je consommais, acheter des produits plus responsables, manger moins de viande, me déplacer davantage à vélo et en transports en commun, etc. Je sentais que j’allais vers la bonne direction et que je convergeais vers la réponse que je cherchais.
Cherche la réponse en ce même lieu d’où t’est venue la question.
-Inconnu
Je me suis alors rappelé que ces questionnements me sont venus lors de mon premier long voyage en Norvège, il y a un peu plus de deux ans. La Norvège, un pays où les gens semblent avoir atteint un bonheur absolu. Et c’est vrai! Il fait tellement bon vivre en Norvège : les gens ne sont pas stressés, gagnent un bon salaire, prennent beaucoup de temps pour faire des activités à l’extérieur, ce qui se traduit évidemment par un haut niveau de bonheur. Étant donné ce haut niveau de bonheur, on pourrait penser que les Norvégiens ne pensent qu’à eux, mais c’est tout faux. Dans chaque décision, l’avenir de la planète est pris en compte. C’est d’ailleurs l’un des pays qui connaît la plus forte utilisation de l’automobile électrique.
Et là, j’ai eu l’idée que pour trouver réponse à mes questionnements, ce ne serait définitivement pas en embarquant dans le milieu du travail après une maîtrise qui s’apparentait plutôt à un emploi qu’aux études. Ces pantoufles si confortables que je portais depuis déjà deux ans, avec un salaire hebdomadaire et une bonne qualité de vie, ne me faisaient plus. Ce mode de vie ne laissait pas assez de temps pour l’imagination et la créativité qui sont, selon moi, primordiaux pour l’être humain.
C’est donc dans cette optique de trouver une réponse sur comment on peut à la fois trouver le bonheur individuel et de la planète que moi et ma copine avons décidé de faire un choix: dire non au marché du travail pour une vie nomade. Se retrouver sur des terres nouvelles et inexplorées où notre imagination et notre créativité reprendraient, où les frontières de la pensée tomberaient et où l’on se remettrait à vivre. Et l’avantage que nous avions, c’est que nous avions déjà trouvé une partie de la réponse à cette question: nous avions besoin d’une vie plus minimaliste et plus écologique, où notre impact sur la planète serait grandement diminué. Nous voulions voyager, mais être conscients de nos choix et de nos actions et donc voyager de manière plus durable.
Le destin n’est pas une question de chance. C’est une question de choix : il n’est pas quelque chose qu’on doit attendre, mais qu’on doit accomplir.
-William Bryan
Voilà donc ce qui résume ce long questionnement qui nous a menés à notre projet de vie nomade. À ceux qui pensent que nous sommes fous de faire ce que nous faisons, je répondrai ceci: rien n’est une question de chance dans la vie. Il faut faire des choix et prendre des moyens concrets pour arriver à nos fins. J’espère que ce texte aura su en convaincre quelques-uns des avantages qu’il peut y avoir de prendre une pause ou de quitter le marché du travail pour se consacrer à notre vie et à notre planète. Écoutons notre petite voix intérieure qui veut plus que du chemin qui nous est déjà tracé et faisons bouger les choses!
Article rédigé par Jérémie Boudreault
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