Nous voilà arrivés à Valparaiso au Chili, ville dont la réputation n’est plus à faire concernant ses maisons colorées et son art urbain enjolivant les rues pentues.

Une fois installés; la guest house nous fournit gracieusement un plan de la ville et de ses nombreuses activités dont une balade commentée pour admirer les graffitis, un grand classique. Préférant nous créer notre propre itinéraire à partir de la carte qui propose des petits parcours et des visites que nous avons planifié de faire, nous partons pour une journée de marche.

Nous nous régalons visuellement, tant avec l’agencement de la ville lui-même qui offre de beaux points de vue, tant avec cette palette de couleurs, de formes et de lignes qui nous surprennent à chaque instant.

Quand, à force de pérégrinations, nous arrivons au bord de la carte, la limite visuelle et matérielle entre nos mains; entre un entrelacs de rues avec des noms, des indications, des couleurs et entre… rien, comme si au-delà il n’y avait que néant.

Normalement, nous devons continuer tout droit, suivre la rue et nos plans, mais nous changeons d’idée.

Pourquoi pas? Après tout, Valparaiso ne s’arrête pas à la frontière d’un bout de papier.

Un escalier longe un funiculaire « el ascensor » qui fait ses vas et viens, mais où grimpent ils? Nous nous regardons et décidons d’aller voir au sommet avec une pointe de curiosité et la perspective de découvrir ce qui se cache par là et qui n’est pas sur ladite carte…

Pour vous situer un peu, il s’agissait de l’Ascensor Cordillera, le 2e plus vieux de Valparaiso inauguré en 1886, reliant le secteur portuaire à l’activité dense et Cerro Cordillera, l’une des quarantaines de collines et l’une des premières peuplées de la ville.

Il y a en effet la partie basse de la cité aussi appelée « El Plan » comprenant les bâtiments officiels, les commerces et le port, puis il y a toutes les collines « cerros » alentours qui servent de lieu résidentiel pour la grosse majorité des habitants, avec chacune leur propre identité, caractéristiques sociales et bien sûr leurs propres escaliers ou funiculaires d’accès.

Arrivés en haut, rien de bien différent finalement.

Nous marchons tranquillement sur le trottoir quand nous croisons deux femmes discutant entre elles venant à contre sens, elles ne nous regardent même pas mais nous entendons distinctement un « peligroso arriba » (danger en haut). Nous n’y prêtons pas vraiment attention, car nous avions le sentiment de ne pas être « concernés » au vu de la situation.

Plus loin, nous constatons en plus des paires de basquets accrochées aux fils électriques que les rues sont bizarrement désertes et moins bien entretenues.

Tout d’un coup, un sifflement.

Sur le trottoir d’en face, un homme dans la cinquantaine nous hèle de la main et nous demande sans agressivité aucune de partir, de faire demi-tour. Cette fois, nous comprenons que ce n’est pas un hasard, un peu de stress nous envahit, nous rebroussons chemin sans demander notre reste.

Arrivés près de l’escalier, nous entrons cependant dans une petite échoppe. L’épicier, après avoir encaissé nos achats, nous demande quelle langue nous parlons et nous explique que c’est un quartier très dangereux pour les touristes, il vaut mieux partir pour notre sécurité. Nous redescendons vers la zone « safe » en parlant de cette incartade hors de la carte.

Quel bilan tirer de cette histoire ?

  • Nous étions en plein jour, sans exhiber une forme de richesse particulière, habillés passe-partout, ce qui déjà à mon sens attire moins les soucis. Nous avons juste été emballés par la volonté de découvrir et n’avons pas ressenti de malaise, de peur ou de danger.
    De base, nous sommes toujours attentifs et prudents, souvent la sécurité est une affaire de bon sens et de précaution, que se soit vos premiers voyages ou si vous êtes un baroudeur expérimenté.
    Mais il ne faut pas non plus se brimer par prudence extrême, car parfois se perdre fait vivre de belles histoires ou des occasions uniques. Je pense qu’il faut une bonne balance entre partir à l’aventure et désinvolture.
  • Il faut également reconnaître que c’est humain de désirer aller voir de « l’autre côté » et qu’il n’y avait aucune indication nulle part, même sur le plan. De plus, à aucun moment nous n’avons reçu d’avertissement d’aucune sorte avant de nous y rendre.
    Cependant, si certains lieux sont connus comme plus sensibles par la population, il serait intéressant d’être prévenu lors de la remise du plan à l’arrivée; cela m’incite désormais à poser des questions telles que les quartiers à éviter ou nous renseigner un peu plus sur cet aspect de la ville. Heureusement nous avons pu compter sur le fait que les habitants eux-mêmes nous mettent en garde à leur manière une fois sur place. Leur expérience in situ a valeur de loi dans ce cas.
  • Le but étant d’éviter les embûches (même si je concède que certaines sont inévitables), je pense qu’il faut aussi accepter.
    Loin de chez nous, la culture, les lois, les moyens, tout est différent et nous entraîne dans une dimension dont parfois nous ne réalisons pas toute l’ampleur, en tant que voyageur nous ne faisons que survoler les lieux et la vie qui s’y trouve.
    Chacun a sa manière de réagir face aux épreuves, surprises et dangers, mais je pense qu’il faut aussi savoir faire confiance aux locaux, être raisonnable et respectueux. Il vaut mieux suivre les conseils donnés que continuer, forcer les choses ou se mettre au défi en se disant qu’on va gérer, car on imagine être au-dessus de tout en tant que touriste.

Pour finir, je dirais que cette aventure n’a en rien gâché notre séjour à Valparaiso. C’est une ville où je serais ravie de retourner. Cette expérience nous aura appris que demander conseil est riche en leçons et, être observateur, ça compte, vous ne trouvez pas?

Article rédigé par Stephanie Pasteels

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