À mon retour d’un périple de 6 mois en Asie il y a 3 ans, j’ai rédigé une liste de rêves que je brûle d’envie de réaliser. J’ai senti que j’avais une urgence de vivre et que je devais rapidement me consacrer à la réalisation de chacun de ceux-ci.
Sur cette liste, j’ai inscris: « Traverser un pays à vélo ».
Pourquoi? Pour être honnête, je ne fais même pas de vélo dans ma vie quotidienne!
Cependant, les changements climatiques et l’empreinte écologique que je laisse lorsque je voyage sont des sujets sur lesquels j’aimerais me pencher un peu plus. Je crois qu’il s’agit d’une préoccupation actuelle dans le monde des nomades et qu’il faudrait réfléchir tous ensemble à des solutions. Le voyage à vélo semble être, pour moi, une solution concrète.
Puis, pour sortir des sentiers battus! Oui, cela peut sembler cliché, mais je veux aller voir le vrai monde. Je veux échanger avec les citoyens de la planète, je veux encourager les commerçants locaux et je veux prendre mon temps.
En finissant la lecture du livre Histoires à dormir dehors, à la rencontre du bon monde de Jonathan B. Roy, j’étais complètement charmée et je me suis dis qu’il serait la personne idéale pour parler du sujet.
Généreusement, celui-ci a accepté de répondre à mes questions et je dois vous avouer que cette rencontre fut fort intéressante!
Comment l’idée de partir à vélo a germé dans ta tête?
En fait, mon but premier était d’aller visiter le monde entre les sites touristiques. Ce que je veux quand je voyage, c’est parler avec le vendeur de fruits qui est sur le bord du chemin, mais quand je passe en autobus, je ne suis pas capable de lui parler parce que l’autobus décide où je dois arrêter. Donc, je voulais trouver un moyen de transport qui me rendrait complètement indépendant. C’est à partir de là que l’idée de partir à vélo s’est développée. Ce n’était donc pas nécessairement parce que je « capotais » sur le vélo, mais plutôt parce que je voulais voir ce qu’il y avait entre les endroits où tous les touristes débarquent habituellement.
Connaissais-tu quelqu’un qui avait déjà voyagé ainsi? Si non, comment as-tu planifié ton itinéraire et ton équipement?
Non, je ne connaissais personne qui avait fait cela! C’est pour ça que j’ai pris beaucoup de temps de réflexion avant de partir. Par contre, j’ai l’impression qu’avec les années, cela devient de plus en plus populaire et je connais maintenant plusieurs personnes qui font des voyages à vélo.
Pour ma part, j’ai consulté de nombreux blogues pour préparer mon voyage et savoir ce qu’il me fallait réellement comme équipement. Je suis reconnaissant pour ceux qui ont pris le temps de me répondre en détail sur mes questions techniques lors de ma planification.
Au fil du temps, je me suis ajusté et mon équipement est encore mieux.
Je dirais que c’est comme quand tu pars pour la première fois avec ton backpack. La première fois, il est énorme et tu as tout le nécessaire au cas où. Puis, après quelques voyages, tu as un 12 litres et c’est bien assez!
Penses-tu que le voyage à vélo s’adresse à tout le monde?
Pour la grosse majorité des gens, oui.
Il est possible de voyager avec à peu près n’importe quel vélo/équipement; adapté à votre budget. Puis, chaque personne peut ajuster son voyage à son propre rythme. Chacun peut décider son itinéraire et le confort qu’il souhaite.
J’ai déjà rencontré une famille avec trois filles qui voyageait en vélo… Également, une fille seule de 26 ans qui n’avait jamais fait de vélo de sa vie! Des personnes plus âgées et, surprenamment, un gars en planche à roulette… Tous ces gens me faisaient sentir absolument ordinaire!
Alors, oui, cela est possible pour toutes les personnes qui le désirent vraiment. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de s’entraîner avant de partir, sauf si vous pensez partir seulement deux semaines en voyage et que votre itinéraire est serré.
Un jour, un homme est venu me rencontrer pour me dire que je l’avais inspiré à faire du cyclotourisme. Lorsque je l’ai regardé plus attentivement, j’ai vu qu’il n’avait pas de jambes; il avait des prothèses! Tout ça pour dire que le défi est réellement plus psychologique que physique.
Alors, quand les gens me demandent si le vélo s’adresse à tous, ma réponse est définitivement oui!
☞ https://www.jonathanbroy.com/journal/les-inspirants
Quel est ton pays préféré et pourquoi? Un seul choix possible!
Le Tadjikistan.
Pour moi, le Tadjikistan est simplement hors de ce monde; c’est hors d’accès. Les paysages sont incroyables et les gens sont gentils. Le Tadjikistan c’est difficile, mais la population est tellement accueillante!
C’est un mélange de fun 1 et fun 2 en même temps (clin d’oeil à ceux qui ont lu son livre)! Les seuls voyageurs que j’ai vus ou à peu près étaient des cyclistes qui voyageaient sur une longue période de temps.
La route du Pamir est une route mythique pour les cyclistes et c’est LE chemin pour les voyageurs qui veulent passer dans les montagnes entre l’Europe et la Chine. Ce qui est impressionnant avec une route unique qui traverse le col des montagnes comme celle-ci, c’est que c’est le seul chemin depuis des siècles qui passe par là. Tu as donc l’impression de rouler dans l’histoire et te sentir un peu plus proche des traces de Marco Polo.
Comment gagnes-tu ta vie en ce moment?
Je fais des conférences lorsque je reviens au Québec; autant pour des entreprises que des écoles. J’écris également des articles pour La Cordée et Vélo Mag. J’en ai déjà écris aussi pour La Presse.
Bien sûr, je tiens mon blogue sur lequel je vends mes photos et je fais aussi des vidéos Youtube.
Puis, j’ai écrit un livre intitulé Histoires à dormir dehors qui est en vente dans la plupart des librairies et même sur Amazon. Nous en sommes à la troisième impression et celui-ci reste toujours autant populaire. Je peux voir qu’il y aurait peut-être une demande pour un tome 2…
(Vous pouvez contacter Jonathan via courriel au info@jonathanbroy.com pour ceux qui ont un intérêt à le recevoir comme conférencier)
Avais-tu l’idée d’écrire ton livre avant de partir dans ton long périple ou cela s’est développé au fil de ton voyage? Ou en revenant?
Au départ, j’ai créé un blogue personnel pour que mon entourage ait de mes nouvelles quotidiennement; je ne voulais pas écrire le même courriel à tout le monde. Au fil du temps, des inconnus ont commencé à suivre mon blogue et cela est devenu de plus en plus populaire. Puis, Vélo Mag a commencé à acheter mes photos.
Déjà lorsque je roulais, quelques personnes m’ont suggéré d’écrire un livre. L’idée était bonne, mais je trouvais cela compliqué, car j’étais toujours en mouvement.
Le projet s’est concrètement développé lorsque je me suis installé en Malaisie pour travailler. Quelques éditeurs, dont Vélo Québec, m’ont contacté pour me dire qu’ils allaient me publier si jamais j’avais envie d’écrire un livre. Le projet me tentait! J’ai donc profité de mon temps d’arrêt pour rédiger mon livre et le tome 1 est arrivé.
Lors du lancement, je n’avais encore jamais rencontré en personne les gens de Vélo Québec, mais ils m’avaient tout de même fait confiance.
Quel appareil utilises-tu pour tes photos lorsque tu pars en long voyage et que tu dois voyager léger?
J’utilise un Fujifilm.
À la base, je me suis fié aux conseils d’un ami photographe pour faire mon choix. Je l’avais acheté deux ans avant mon grand départ pour mes voyages en sac à dos.
J’ai maintenant pas mal d’équipement pour faire des photos et/ou vidéos. Je traîne mon macbook pro, mon trépied, deux micros et récemment un drone. Il faut avoir les priorités aux bonnes places, haha!
Par contre, j’ai peu de vêtements, je n’ai pas d’oreiller et presque aucun matériel dans ma trousse de premiers soins. Mon truc c’est d’aller dans les auberges jeunesse et d’aller voir la fille qui fait son premier voyage en sac à dos. C’est clair qu’elle a tout et même trop de matériel! C’est donc elle qui va me fournir en cas de nécessité… * Astuce de voyageur!
Puis, j’utilise une dynamo qui est disposée sur mon vélo afin de charger mon équipement lorsque je pars pour quelques jours en autonomie complète. J’ai publié un article sur mon blogue à ce sujet.
Penses-tu être capable de t’installer un jour au Québec à long terme? Est-il possible de revenir à une vie « normale » après tout cela selon toi?
Oui, je crois que cela est possible! Dans mon livre, je parle d’un gars qui est en voyage à vélo depuis maintenant 25 ans. C’est un type de vie qu’il a choisi, mais c’est quand même difficile d’être tout le temps à l’étranger. Tu es souvent seul et tu vois nécessairement moins ta famille et tes amis.
Par contre, j’essaie de stresser de moins en moins à propos de mon futur. Depuis le début de mon voyage, les opportunités viennent à moi et j’apprécie le moment présent. À date, tout s’est toujours bien placé et je suis heureux avec mes décisions. Je pense être une meilleure personne aujourd’hui, plus développée et plus connaissante du monde.
Je fais confiance qu’il y aura toujours quelque chose qui va arriver à point et que je vais continuellement avoir un moyen de gagner ma vie selon mes intérêts. Puis, si je n’aime pas ce que je fais ou je suis tanné de faire du vélo, je vais revenir quelque part et je vais m’installer tout simplement. Je trouverai ensuite autre chose! Ce n’est pas obligé d’être juste en lien avec le vélo, mais vraiment plus lié au bon monde. C’était ça mon but à la base, rencontrer les gens.
Je ne sais donc pas ce que la vie me réserve, mais je suis confiant face à l’avenir.
Où te trouves-tu présentement? Quels sont tes projets futurs et qu’arrive t-il de l’emploi à Kuala Lumpur?
Présentement, je suis au Chili en pause de pédaler. J’ai d’autres projets de vélo qui s’en viennent, mais je dois parfois m’arrêter pour prendre des moments pour moi et travailler sur mon blogue ainsi que mes articles.
Actuellement, je compte revenir au Québec pendant les mois d’avril et de mai pour faire des conférences à travers la province!
Pour ceux qui ont lu mon livre, vous savez que je terminais mon histoire alors que je commençais un emploi à Kuala Lumpur. Par contre, mes derniers mots écrits laissaient entrevoir que je regardais dehors et que j’avais le goût de repartir…
J’ai pris 10 mois pour écrire mon livre et, lorsque je l’ai terminé, c’était également la fin de mon poste. Je savais donc déjà que j’allais bientôt repartir à vélo. Je savais que j’allais avoir d’autres histoires à raconter, alors j’avais laissé la porte ouverte pour un tome 2…
Que donnerais-tu comme conseil aux gens qui hésitent à partir en voyage à vélo?
Tout d’abord, si t’es correctement en forme, tu vas être capable.
Après cela, tu vas inévitablement te donner des excuses. Donc, écris ce que tu as le goût de faire et, juste à côté, écris pourquoi te ne le ferais pas. Finalement, relis-toi et tu verras que tes excuses ne sont probablement pas si bonnes. Il y a toujours moyen de trouver des solutions. Si l’argent est un problème, voyager à vélo me coûte en moyenne 25$ par jour. Alors, ce n’est pas impossible. Tu verras que les vraies excuses sont rares. Il n’y aura jamais de moment parfait pour partir, mais le meilleur moment peut se préparer à l’avance par contre!
Entrevue avec Jonathan B. Roy, un homme rempli de surprises et ayant une histoire des plus inspirantes!
Pour terminer cet article, je vous laisse avec une citation que Jonathan a reprise dans son livre et qui provient de Jack Kerouac: « Parce qu’à la fin, vous ne vous souviendrez pas du temps passé au bureau ou à tondre votre pelouse. Escaladez cette foutue montagne! »
*Toutes les photos intégrées dans l’article proviennent directement du site de Jonathan B. Roy.
Article rédigé par Jessica Roy
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