Voyager est une passion partagée par des millions de personnes. Mais pour la majorité des gens, voyager se résume à faire un voyage ou deux de quelques semaines chaque année, pour les vacances, ou de quelques mois pour prendre une pause à un moment charnière de la vie. Pour d’autres, par contre, voyager est un style de vie. On parle beaucoup dans les médias sociaux ou autres de la génération Y comme d’une cohorte qui a davantage tendance que les autres à adopter un style de vie nomade, en déplacement constant ou du moins très fréquents.
Si voyager forme la jeunesse et qu’effectivement on peut applaudir les « milléniaux », comme on les appelle, pour leur goût de l’aventure et leur désir de découvrir et d’améliorer le monde, la volonté de devenir nomade ne touche pas moins d’autres générations plus âgées, même si les boomers ou membres de la génération X qui souhaitent devenir nomades sont beaucoup moins nombreux (mais il y a peut-être des nomades qui s’ignorent!).
Les motivations fondamentales de ces autres générations, mis à part l’amour de l’aventure et un penchant très fort pour aller « voir ailleurs s’ils y sont », peuvent toutefois être différentes. Les préparatifs et changements à apporter à son style de vie seront également d’un autre ordre.
Devenir nomade à 40, 50, 60 ans
Bien des gens qui arrivent à ces moments charnières de leur vie ont un profond désir de changement, souvent jumelé à un besoin existentiel de sortir d’un moule social qui ne leur correspond plus. Dans bien des cas, ces personnes ont été longtemps à l’emploi d’entreprises et après moult restructurations et une suite de changements d’emplois, ou après une longue période de questionnement professionnel, en viennent à souhaiter un style de vie donnant accès à une plus grande liberté : être son propre patron et adopter un style de vie nomade deviennent alors pour certains le principal objectif. Le nombre élevé de blogues de voyage alimente le rêve, et la quête d’une vie meilleure finit par enclencher un processus actif.
Pour ma part, j’ai toujours voulu travailler à l’étranger, découvrir réellement le monde. Lorsque j’étais employée d’une grosse compagnie, les trois semaines de vacances par année passées dans d’autres pays me laissaient toujours sur ma faim. À cette époque où Internet était encore naissant (fin des années 90), je ne pouvais pas m’imaginer qu’un jour il serait possible – et relativement facile – de faire moi-même de ce rêve de voyager beaucoup plus une réalité. Les progrès technologiques des dix dernières années m’auront montré que, maintenant que je suis ma propre patronne, il n’appartient qu’à moi de poser les gestes pour assouvir mon immense soif de goûter le monde.
J’ai répété et répété pendant des années à qui voulait l’entendre que l’une des choses que j’aimais le plus de mon travail de pigiste était que je pouvais travailler à partir de n’importe où dans le monde. Je le répétais et je rêvais, jusqu’au jour où j’en ai eu « plein mon casque » de répéter et de ne pas donner suite à ce rêve. Il fallait que je me rende à l’évidence : mon âme a besoin de voyager.
Obligations, obstacles
S’il est relativement facile de plier bagage et de partir à long terme quand on est frais sorti du cégep ou de l’université, il en va tout autrement pour quelqu’un qui a une hypothèque, une famille, un conjoint et des dettes importantes. Il faut davantage d’organisation, il faut parfois renoncer à beaucoup et il faut d’abord et avant tout envisager un certain ménage dans ses priorités, ses relations et les éléments qui composent le style de vie qu’on souhaite délaisser. On ne peut tout simplement pas juste lever les pieds et partir. Quand le conjoint ou la conjointe, voire l’ensemble de la famille (s’il y a des enfants), est prêt à se lancer dans l’aventure, tout baigne! Un gros obstacle vient déjà de tomber. Ce n’est pas le cas de tous, et bon nombre devront passer par une bonne période de réflexion avant de tout laisser derrière.
Dans mon cas, célibataire depuis peu et n’ayant pas d’enfant, la décision a été beaucoup plus facile. Même si les membres de la famille n’embarquent pas immédiatement dans le projet – les membres de votre famille qui vous aiment cherchent toujours à vous protéger – il est important de s’accorder assez d’importance pour foncer et se donner la vie qu’on veut. Et de s’entourer de gens qui vous appuient dans votre projet. J’ai la chance d’avoir des amies et amis qui sont déjà nomades ou qui réalisent eux-mêmes leurs propres rêves, et sont donc capables de souffler dans mes ailes dans cette entreprise qui peut paraître un peu folle à ceux et celles qui s’accommodent du moule social, ou qui n’y sont pas (encore?) assez mal à l’aise pour rechercher un changement drastique.
Tester à petite échelle
En 2018, je suis partie pour douze semaines pour tester ce style de vie et j’en suis revenue déterminée à continuer à le mettre en place. Il me reste encore des choses à régler pour pouvoir être entièrement libre d’aller où bon me semble et revenir à Montréal quand j’ai besoin d’une pause. Il me reste encore à déterminer la fréquence de mes déplacements, à trouver le bon arrangement pour laisser la maison sur une longue période sans m’inquiéter et à optimiser la façon de fonctionner avec mes clients en cas de décalage horaire important. Mais j’ai testé la machine et je sais que je peux y arriver. Il ne me reste qu’à peaufiner.
Il est vraiment trop facile quand on a un certain âge et qu’on embarque dans un projet de cette envergure de se laisser empêtrer dans les détails logistiques au point de se déconnecter du rêve. Pendant mes périodes de transition entre deux destinations, quand je suis chez moi à Montréal, je dois me rappeler parfois d’écouter mon âme qui crie son besoin de liberté et sa soif d’aventures et de rencontres avec d’autres cultures. C’est à mon avis l’une des choses les plus difficiles à faire pour les wannabe nomades plus âgés : s’écouter, ne pas porter attention aux nombreuses voix qui s’élèvent contre votre projet et ne pas se laisser décourager par tous les obstacles qui se dressent.
Pas évident de renoncer à certaines choses, de « défaire » certaines choses pour lesquelles on a beaucoup travaillé, mais qui, comme un boulet, nous empêchent de nous envoler. C’est l’une des difficultés principales des non-milléniaux qui souhaitent devenir nomades. Pour moi, me donner le droit à cette vie dont je rêve depuis toujours est une question de vie ou de mort. Parce que je me meurs en dedans quand je suis trop longtemps sans partir avec mon sac à dos, sans prendre l’avion, sans explorer le monde. Me donner ce style de vie, ce n’est pas fuir ma vie. C’est me donner ma vraie vie, aller à la rencontre de moi et du reste du monde. Et pour moi, devenir nomade, c’est un choix que l’on peut faire à tout âge.
Article rédigé par Denise Bérubé
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