À toi qui avait peur de ne pas dormir le soir. À toi, oui toi, qui avait peur de tout. Et même peur d’avoir peur… Je voudrais te dire aujourd’hui que je suis fière, que tes yeux s’emplissent de larmes lorsque tu repenses à cette folle année, que les battements de ton cœur s’accélèrent sur le rythme d’une chanson trop écoutée sur la route, qu’un sourire immense se dessine sur tes lèvres lorsque tu croises un voyageur dans les rues de ta ville ou que ton regard se pose sur un avion dans le ciel. Je voudrais te dire que je suis fière de l’ouverture d’esprit dont tu fais preuve et de cette envie démesurée de connaître le monde. De questionner. D’écouter. De t’inspirer.
À toi qui rêvait de grands espaces et s’enfermait dans une vie qui n’était pas tienne comme une pièce de puzzle dans la mauvaise boîte. À toi qui te sentait si différente et inadéquate. À toi qui a même cru sombrer dans la folie… je suis fière aujourd’hui. Fière de cette sensibilité exacerbée qui te dote d’un sens aigu pour les vibrations de la vie, positives ou négatives. Et si tu es passée par bien des étapes, des doutes, des intersections, jamais tu n’es restée dans l’impasse. Car il n’y a aucune unique décision, bonne ou mauvaise, qui nous mène où nous sommes aujourd’hui. Il y a une somme de choix faits.
À toi qui a commencé à faire ces choix en abandonnant peu à peu la peur, ou plutôt dirais-je, en l’acceptant sans qu’elle ne t’handicape trop, je voudrais te dire que tu es sur la voie. Qu’aujourdhui tu souffles seulement un an de plus, mais que cette année ton âme a comme grandi de dix ans. Et que c’est ce qui t’empêche de t’endormir encore ce soir, lorsque seule tu essaies de retracer le chemin intérieur que tu as parcouru ces derniers mois. Ton âme a grandi. Une porte s’est ouverte. Et tu comprends certainement mieux a présent.
Toutes ces étapes traversées, toutes ces luttes et ces forces que tu as dû puiser. Toi la petite fille trop seule, trop sensible, trop complexe qui ne demande jamais rien mais s’endort avec mille questions… Cette petite fille sage, rêveuse, brillante, mature, pas dérangeante. Cette petite fille qui explosait de l’intérieur en prenant soin de n’éclabousser personne. Et puis cette adolescente perdue, brisée, toujours trop sensible, toujours trop seule, sans repères et tellement peureuse. Peureuse de sa différence, peureuse de ce sens exacerbé pour le monde, pour les autres. Envahie par un flot d’émotions constant, d’expériences de profondes joies et de peines immenses. Qui, trop envahie, a voulu s’en défaire et se sentir légère, légère, légère… pour n’être que plume. Ou bien ombre. L’ombre de soi-même.
Tous ces déserts arides qui ont suivi, d’un remède à un autre, tentant d’anesthésier la douleur jusqu’à ne plus rien ressentir. Et puis se laisser emporter par le flot de la vie, de la « vie normale des gens normaux ». Les études, le boulot, les distractions qui distraient de soi-même, traîner les pieds… à toi qui a haï tout ça, tellement. Tous ces réveils blasés, dépêchés, stressés, pour laisser s’écouler un jour de plus ou tu ne t’ai sentie ni utile, ni à ta place. Tout ces moments de fausse détente en attendant le prochain réveil, épuisée, ces plaisirs immédiats qui laissent un goût fade au mieux le lendemain, au pire quelques heures seulement après… À toi qui a tellement haï tout ça, à te haïr de le haïr. Je voudrais te dire que je suis fière, que tu n’aies plus à te demander si tu dois te sentir coupable de ne pas avoir envie de la « vie normale des gens normaux » ou bien d’être dotée de ce sens exacerbé qui t’empêche de t’endormir lorsque mille idées traversent ta tête et que tu aimerais révolutionner le monde un soir de pleine lune.
Tous ces bruits qui te triturent plus les oreilles que celles des autres, ce calme constant que tu dois faire dans ton esprit, l’appréhension démesurée d’un jugement, d’une pensée, d’un regard, cette sensibilité aux choses qui effleurent ta peau, si bien que cela en devient parfois déstabilisant. Mais aussi, cette joie profonde que tu sais ressentir aux premières lueurs du jour le matin et lorsque tu respires l’odeur rassurante du café brûlant. Ces larmes de bonheur lorsque tu accomplis quelque chose dont tu es fière ou qu’une chanson te transporte dans tes souvenirs. Les battements de ton cœur si forts qui s’accélèrent lorsque tu imagines ta vie et crois en tes rêves… cette gratitude immense d’être sur terre.
À toi, toujours la même, éternelle utopiste d’un univers trop parfait pour le monde réel dans lequel tu évolues mais à toi, qui peu à peu dompte ton cœur sauvage et accepte cet esprit émotionnel dans la confiance que plus le temps passe, plus tu y laisses jaillir son flot de créativité, je voudrais te dire aujourd’hui que tu n’as plus de raison d’avoir peur de ne pas dormir le soir…
Article rédigé par Charlotte Digiovanni
À lire également sur Nomade Magazine :
Juste merci.