Le paradoxe avec la préparation d’un voyage, c’est souvent qu’on est totalement sédentaire en l’exécutant. On a tant envie de se décentraliser, de partir à l’aventure et de vivre de nouvelles expériences, mais tout se planifie à partir d’un 3 et demi dans le cœur de l’île de Montréal. J’ai décidé d’échapper à ce paradoxe en économisant pour un voyage d’envergure tout en découvrant une partie de l’identité du Québec et en me sortant de ma zone de confort à tous les jours. Voici donc le portrait d’un nomade, dans un monde corporatif.

Le but était de voir c’était quoi le fameux « monde corporatif », mais de ne pas vivre le train de vie que ce monde peut imposer. Je voulais profiter des avantages: un salaire, une stabilité d’emploi, des apprentissages en continu – sans subir les désavantages: le côté aliénant, une routine, etc. Avant de repartir voyager autour du monde, j’avais besoin d’une confirmation que la vie de bureau n’était pas faite pour moi. Je voulais aussi découvrir le Québec à sa juste valeur. J’ai donc porté mon mode de vie vers le nomadisme, le temps d’un emploi. Si vous désirez voyager, mais que vous avez besoin d’accumuler un peu d’argent avant de partir, le mode de vie que je déconstruirai dans cet article vous conviendra certainement. Explorons-le davantage.

Mon plan était assez simple. Appliquer dans une compagnie en Estrie, obtenir le contrat rapidement et commencer à travailler immédiatement. En travaillant à une position centrale en Estrie, j’espérais vivre pour la première fois en région, à l’instar du reste de ma vie en ville. En commençant mon contrat, je n’avais aucune idée d’où j’allais habiter et c’était très bien ainsi. D’un petit appartement à Sherbrooke, j’ai été vivre avec quelques artistes à St-Hyacinthe en automne, pour ensuite vivre une vie de ski à Bromont en hiver – merci public à un ami tout spécial pour m’avoir trouvé un chalet. J’ai ensuite été à Waterloo, puis je suis revenu à Saint-Hyacinthe parce que j’aimais bien cette petite ville. Le tout a été ponctué de plusieurs nuits en camping et de nombreux micro-déménagements. Lorsque les personnes que je rencontrais me demandaient où j’habitais cette année, la réponse était souvent la même: « ça dépend… ».

Un des éléments qui m’a énormément surpris de ce mode de vie, c’était qu’à travers l’incertitude, il y avait toujours de la certitude. Pour beaucoup de personnes, avoir un logement fixe constitue une certitude absolue. Votre nid vous attend n’importe quand et ne bougera pas d’un centimètre. Cependant, tout ce qui orbite autour de votre logement peut bouger. Votre emploi, votre situation amoureuse, vos passions, vos possessions et vos ambitions peuvent bouger n’importe quand, que ce soit désiré ou non. Pour moi, ne pas avoir de logement fixe était donc une sécurité. J’aurais pu quitter mon emploi, développer une nouvelle passion et repenser mes ambitions avec un minimum d’impact sur ma vie. Sans loyer et avec peu de matériel, je voyais énormément de certitudes dans l’incertitude. Non, je ne savais pas où j’allais dormir dans un mois, mais je savais que je pourrais adapter ma vie à ma guise.

En ne faisant que bouger de places en places à chaque mois, il était clair que la partie « boulot » ne changerait pas, sauf si je le désirais. Cependant, la partie métro et la partie dodo ont pu s’adapter au rythme des saisons et de mes désirs. Micro-déménager de façon régulière m’a poussé à voir les choses autrement. Il est difficile de sombrer dans le « métro-boulot-dodo » lorsqu’on ne se réveille jamais au même endroit. Il faut re-découvrir les alentours tous les jours. D’ailleurs, mes collègues qui avaient une vie sédentaire m’ont souvent regardé bizarrement. Ils ne comprenaient pas mon projet et se demandaient vraiment en quoi déménager à tous les mois était excitant. Pour moi, c’était une confirmation que je faisais la bonne chose.

Ciel étoilé du lac Charlevoix

Ciel étoilé du lac Charlevoix

Bien sûr, entretenir un quotidien excitant était ce qui m’a poussé à me lancer dans cette expérience, mais je dois également mentionner à quel point ce style de vie était économique! Il est difficile de le concevoir, mais je crois avoir économisé plus d’argent en me prélassant dans un chalet de ski qu’en vivant dans un appartement à Montréal. Vous me direz que je l’ai eu facile parce que les opportunités se présentaient à moi. Cependant, en pouvant micro-déménager quand je le désirais, il était justement assez simple d’être opportuniste. En effet, la plupart des personnes sédentaires ont souvent un frein aux opportunités qui s’ouvrent à elles. Pourtant, certaines de ces opportunités peuvent drastiquement augmenter leur qualité de vie sans augmenter les dépenses et là repose tout le problème de la sédentarité. C’est ce que comprennent les personnes qui décident de vendre leur chalet dans le Nord pour voyager davantage. Je n’avais presque rien d’autre à payer que quelques dépenses occasionnelles, ainsi que mon épicerie. Dites adieu à la plupart de vos factures récurrentes et bonjour aux loisirs auxquels vous rêvez.

Parmi les autres avantages liés au nomadisme, même dans un monde corporatif, j’ai pu noter une réduction significative du gaspillage alimentaire. À quoi bon stocker de la nourriture si vous partez dans quelques jours? Achetez peu, cuisinez peu et mangez frais. Changer constamment de lieu de résidence nous fait également découvrir de nouvelles activités qu’on n’aurait probablement pas fait autrement. En huit mois, j’ai fait 3 styles de peinture, du rowing, de la course à pied, du ski et de la photographie, toutes des choses que j’étais loin de faire de façon régulière avant, lorsque j’habitais en ville.

Finalement, ce style de vie pousse notre employeur à être plus favorable au travail à distance (ou à tout autre demande que nous avons, milléniaux que nous sommes). Il réalisera que vous pouvez quitter votre travail du jour au lendemain si vous le désirez et sera plus enclin à vous accorder plus de privilèges comme le télétravail. Pourquoi ne pas en profiter?

En regardant l’image globale de mon expérience, je constate que le nomadisme est probablement ce qui m’a aidé à passer au travers de ces mois de travail. Je voulais voir ce que c’était d’avoir un horaire de travail fixe, ainsi qu’un emploi dans une entreprise à but ouvertement lucratif. Maintenant que je l’ai vu, je peux confirmer que ce n’est pas pour moi. Du moins, pas pour maintenant. Laissez-moi aller plus loin d’abord.

Le nomade corporatif

St-Hyacinthe

Article rédigé par Francois Boudrias.

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