Je ne sais pour quelles raisons, l’Irlande m’a toujours appelée. Je rêvais de son vert, de ses falaises, de sa musique résonnant dans les rues et de ses habitants aux cheveux de feu (j’ai un faible pour les roux). Je devais aller voir si cet endroit était à la hauteur de l’idée que je m’en étais faite. Je suis donc partie avec ma copine et nous y avons passé deux semaines incroyables à voir des paysages majestueux et à rencontrer des gens fort sympathiques. Dès le premier jour, nous avons fait la connaissance d’un couple de Québécois qui prévoyait s’installer à Dublin pour un an à l’aide de SWAP, un programme créé il y a plus de 40 ans et visant à aider les Canadiens entre 18 et 35 ans à obtenir un visa vacances-travail pour certaines destinations dont, bien sûr, l’Irlande, mais aussi le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Autriche, les États-Unis et le Japon. Les employés encadrent les Swappers dans leur demande de visa, les assistent dans l’achat des vols et des assurances voyage et répondent à toutes leurs questions. C’était la première fois de ma vie que j’entendais parler de SWAP et, aujourd’hui, je suis extrêmement reconnaissante d’avoir rencontré ces deux Québécois lors de mon premier jour là-bas.
De retour au pays, mon esprit ne cessait de s’évader vers l’île d’émeraude et mon quotidien me semblait tout à coup d’une platitude insoutenable. Il y avait longtemps que je rêvais d’aventure, mais ça me terrifiait. J’avais tenté de travailler sur des bateaux de croisière, mais ma demande avait été rejetée, à mon grand soulagement. J’avais essayé (du moins, c’est ce que je me disais pour me donner bonne conscience).
Mais de plus en plus, mon désir de partir empiétait sur ma peur de l’inconnu. L’image de ces deux Swappers québécois me revenait sans cesse en tête et, tranquillement, j’ai commencé les recherches, puis les démarches pour obtenir mon visa et les documents nécessaires. Le programme SWAP m’a accompagnée pas à pas, ce qui m’a rassurée, même si la peur demeurait présente. Ils m’ont tout de même grandement facilité la tâche en faisant la demande de visa en mon nom, en m’offrant une trousse d’informations et en me permettant de rencontrer d’autres Canadiens qui prévoyaient partir au même moment que moi.
Je me souviens d’un après-midi ensoleillé avec un ami, à lui dire que je craignais d’échouer, que je redoutais le regard des autres si je ne réussissais pas à réaliser mon rêve. Il m’a dit que l’échec n’existait pas, que c’était une construction de mon esprit pour ne pas aller jusqu’au bout et que même si je ne restais pas les douze mois prévus là-bas, j’en ressortirais gagnante. Je me suis donc armée de courage et je suis partie pour ce pays qui avait éveillé mon appétit d’aventurière.
Là-bas, l’équivalent de SWAP m’a accueillie, m’a remis les documents essentiels et a répondu à toutes mes interrogations lors d’une séance d’orientation. J’y ai rencontré la représentante d’une agence de placement, j’y ai bénéficié de soutien pour la rédaction, la correction et l’impression de mes CV et c’est là que j’ai vu l’annonce qui m’a menée à la maison où j’allais habiter avec deux Canadiens et deux Hongrois.
J’ai profité des premières semaines pour voyager, revoir les endroits qui m’avaient charmée lors de mon premier voyage et en découvrir de nouveaux qui m’ont tout autant coupé le souffle. J’ai fêté la St-Patrick à Dublin avec des Canadiens, des Français, des Italiens et des Japonais. J’ai fait du vélo sur les îles d’Aran avec deux autres Swappeuses et j’ai chanté des chansons traditionnelles avec des Irlandais fêtards. J’ai longé les falaises de Moher depuis le village de Doolin dans une randonnée exigeante qui m’a donné quelques sueurs froides, mais qui m’a présenté des paysages époustouflants. J’ai revu la vieille ville de Kilkenny et son magnifique château. J’ai passé des journées à marcher dans les villes côtières de Dun Laoghaire et de Howth. Et, avec chaque pas, je m’éprenais de plus en plus de cet endroit magique et je devenais de plus en plus la femme que j’avais toujours voulu être. Je rencontrais de merveilleuses personnes, nous partagions de fascinantes conversations et je m’habituais à vivre loin de chez moi. J’y prenais goût.
Puis, à travers tout ça, j’ai commencé la recherche d’emploi. En partant pour l’Irlande, je n’avais pas pensé à vérifier des informations terrestres comme si, par exemple, le pays était en récession (la réponse est oui). Ma chasse à l’emploi a donc été plus longue que je ne l’aurais cru, mais, avec le soutien des gens de SWAP et ma persévérance, j’ai fini par trouver. Tomas, mon coloc hongrois, m’a donné l’adresse d’une boulangerie où une amie à lui était gérante. Il m’a dit qu’elle m’y attendait le lendemain pour un quart d’essai. Je me suis pointée dans ce petit café sympathique et, comme convenu, j’ai été mise à l’essai et on m’a demandé de revenir le lendemain. Et c’est comme ça que j’ai commencé à travailler à Dublin, sur Chatham Street, et que j’ai pu devenir une véritable Dublinoise. J’étais en train de réaliser mon rêve!
Quelques jours avant mes 23 ans, ma mère et sa copine ont fait irruption au café et j’ai éprouvé une joie si folle en les voyant. J’ai eu quelques jours de congé où j’ai pu aller découvrir le parc national du Connemara avec elles. Nous sommes restées dans une auberge au milieu de nulle part et nous avons vu l’un des plus beaux couchers de soleil qui puisse être. Je m’en souviens encore clairement, des années plus tard. J’ai célébré mon anniversaire avec elles, mes colocs et les amis que je m’étais faits là-bas.
Pour différentes raisons hors de mon contrôle, une série d’obstacles inattendus, j’ai décidé d’écourter les douze mois prévus et je suis revenue en sol québécois au bout de quatre mois. Quand j’ai aperçu à l’aéroport le petit comité qui m’accueillait, j’ai fondu en larmes dans leurs bras. Parce que c’est ça aussi la beauté des voyages : les retours.
Maintenant, avec le recul, je vous assure que je n’ai aucun regret et que, si c’était à refaire, je referais tout exactement de la même façon. J’ai tellement grandi pendant mes quatre mois en Irlande. J’ai découvert qui j’étais lorsque j’arrivais dans un endroit étranger sans béquilles. Ma confiance en moi a été mise à dure épreuve, mais elle en est ressortie plus forte que jamais. J’ai tissé des amitiés qui font encore partie de ma vie à ce jour, malgré la distance. Quand je repense à la fille apeurée qui craignait d’échouer, ça me fait sourire, parce que je ne ressens pas du tout cette expérience comme un échec, au contraire. Oui, ça a déjoué toutes mes attentes, mais pour le mieux.
Et quand je repense à mes jours sur mon île d’émeraude, ce n’est pas les journées difficiles qui me viennent en tête. Ce qui reste indélébile après les années, ce sont les merveilleux souvenirs accumulés. C’est cette randonnée de quatre heures du Gap of Dunloe que j’ai faite avec une Québécoise rencontrée la veille. C’est cette soirée à Killarney où les douze occupants du dortoir avons décidé de sortir fêter ensemble et où nous nous sommes tous endormis le matin suivant dans le bus pendant le tour guidé, complètement épuisés. C’est cette marche à Dublin, après une soirée avec une amie où nous avions écouté le film Once en se demandant où était le magasin de musique qui y apparaissait, marche pendant laquelle je suis tombée par hasard sur ledit magasin, excitée comme une puce, personne avec qui partager ma joie. C’est de traîner mes nouveaux amis dans un restaurant de Killarney parce qu’ils y font la meilleure banoffee pie. C’est de marcher dans les rues et de jurer contre les touristes, de croiser des collègues et des amis et de me sentir chez moi.
Nos rêves ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait et, parfois, c’est parce que la vie nous réserve quelque chose d’encore mieux qui nous fera évoluer et qui nous rendra plus forts. Ces quatre mois en Irlande ont éveillé mon âme de nomade et il n’y a désormais plus rien à faire. Je ne rêve que de repartir, constamment. Alors, je vous laisse en m’auto-citant avec ces vers tirés de l’un de mes poèmes sur les voyages :
« Et lorsque l’aventure prend fin
Imprégnons-nous de son âme
Embrasons-nous sans vacarme
La bouche pleine de « je me souviens… »
Je ne reviendrai plus ici
Ou bien si, dans mes rêves
Mais il y a tant d’autres grèves
Débordantes de magie
Mes valises sont pleines
De sable et de vent
D’appels de sirènes
Et de soleils levants »
Pour plus d’informations sur le programme SWAP, cliquez ici !
Article rédigé par Laurence Brouillard-Turbide.
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