Notre monde tel que nous le connaissons, avec son confort et ses avantages, n’est vraiment pas vaste, en fait il ne concerne qu’une partie infime de la population mondiale… Mais voilà, nous ne voyons que celui-là, parce que nous, notre entourage et l’entourage de notre entourage le côtoyons… Bien sûr on a tous connu des moments difficiles ou quelqu’un autour de nous qui lutte pour arrondir les fins de mois… Certains d’entre nous connaissent ce que c’est de plier sous le poids de la société. Vraiment ? Sait-on vraiment ce que c’est de lutter pour survivre ? Si votre réponse à cette question est oui, permettez-moi d’en douter… Ce n’est pas encore le discours d’une personne qui à un moment donné dans sa vie a eu quelques difficultés quelconques et se permet aujourd’hui de donner des leçons ! Au contraire, aujourd’hui je découvre, en voyageant à travers le monde, que mes plaintes, mes problèmes, tout ce que j’ai qualifié de moments difficiles sont foutrement dérisoires ! En vivant de pays en pays, je découvre des gens qui n’ont pas gagné en toute une vie ne serait-ce qu’un salaire minimum français… certes les niveaux de vie ne sont pas les mêmes et parfois même pas comparables, mais pourriez-vous vivre avec 90 cents d’euro par jour ? Avec le sourire ? Prêt à en donner la moitié à quelqu’un qui n’a que 40 cents par jour ? Là encore permettez-moi d’en douter. Et le sort ne s’arrête pas là… non seulement ces personnes luttent toute leur vie pour survivre, mais devront en plus lutter toute leur vie contre leur société qui mettra tout en place pour les garder bien au chaud en bas de l’échelle ! Et devinez quoi ? Ce sont aussi les premières victimes du reste du monde. Vous pensez être victimes de votre société ? Du système? Imaginez être victime de votre société et de celles des autres ?

Toutes ces choses, je ne les ai pas découvertes en voyageant, parce que malheureusement même en voyageant, en tant que privilégiés, ces choses resteront transparentes, invisibles pour vous. Oui parce que, pour une grande partie du monde, vous êtes des privilégiés. « Cette file de personnes qui attendent en ligne à l’aéroport de leur propre pays, quelque part en Asie du Sud, ils doivent sûrement attendre pour la vérification de leur papiers, c’est scandaleux ! Moi je suis passée très vite au contrôle des passeports alors que je ne suis même pas de ce pays ». Non, ces personnes n’attendent pas que l’on vérifie leur identité, ils attendent de savoir si le billet qu’ils ont dû glisser dans leur passeport suffira à corrompre leur police pour les laisser sortir de leur propre pays ! Cette même police qui vous rend votre passeport avec un grand sourire et qui jamais n’osera vous corrompre, parce que vous venez de cet autre pays…

Non ces choses je les ai comprises en restant plusieurs mois dans un pays, en vivant et en travaillant avec des natifs, mais surtout en parlant avec eux… Quand ils se mettent à parler de leur vie, ce n’est pas pour attirer votre pitié, au contraire ils essaient de relater les plus beaux moments de leur existence, mais pour raconter ces moments, il faut un contexte. Ce sont ces contextes qui vous frappent en plein visage. Au fur et à mesure de leurs récits, vous devenez de plus en plus muet, avec un gout amère dans la gorge et un sentiment de culpabilité mélangé à du dégoût et parfois même de la colère. La colère contre vous-même de vous être un jour plaint d’avoir payé trop de taxes ou de ne pas avoir eu d’eau chaude dans cet hôtel miteux où vous avez une fois passé une nuit… La colère de découvrir qu’en fait on n’est pas tous égaux, qu’en fait il existe des mondes dont personne ne vous a jamais parlé, qu’en fait vous devriez être la personne la plus heureuse du monde, mais que vous vous êtes sûrement apitoyé plus souvent sur votre vie que cette personne qui est là, en face de vous, et dont le récit des meilleurs moments vous plonge dans une grande tristesse…

Pendant votre prochain voyage, essayez juste de prêter un tout petit peu attention à ces gens-là. Si vous le pouvez, prenez le temps de parler avec eux, de les écouter vous raconter leur histoire. Ces personnes ont tellement à vous apprendre, vous ressortirez forcément plus grand de cette discussion que n’importe quelles autres. Tout ce que vous pouvez leur offrir en retour c’est de partager avec eux, partager un moment, partager cette discussion, parfois partager un repas, les écouter vous parler fièrement de leur culture, leur religion, leur famille. Qu’est-ce qu’ils sont fiers de leur famille ! C’est le grand accomplissement de leur vie. Un jour, un chauffeur à passé deux heures à me parler de sa fille unique, il y avait tellement d’émerveillement et de fierté dans ses histoires et pourtant il ne m’a rien raconté de grandiose, mais j’ai souri tout le long ! Je ne dis pas que vous devriez avoir honte d’être ce que vous êtes, je ne vous dis pas de vous apitoyer sur leur sort. Au contraire, ces personnes sont sûrement plus heureuses que vous. Alors faites comme eux, soyez heureux, essayez de vous satisfaire de votre vie. Après tout, elle n’est pas si terrible. Et surtout, prenez conscience du reste du monde.

Crédit Photo: Charline Prétat Palacio

Crédit Photo: Charline Pretat Palacio

Remerciement à Charline pour ses magnifiques photos.

Article rédigé par Astrid Milhes

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