Un jour, en mars 2015, ma sœur, désespérée de ses études me téléphone :

  • « Viens on fait un truc, tu fais quoi le premier week-end de juillet ?
  • J’ai prévu un festival avec des copines de promo pour fêter (ou pleurer) le diplôme.
  • Oh dommage… Bon, viens on part à l’autre bout du monde ? Genre deux mois ?
  • Banco !
  • Tu veux aller où ? »

Mais moi, je ne sais pas, je m’en fiche… Je suis alors dans une sale période de ma vie où mon seul réconfort c’est la nourriture et mon oreiller, puisque je suis débordée de travail et je passe mon temps à la bibliothèque à rédiger mon mémoire. Et, quand je vois des amis, ce sont mes copines de promo pour travailler. J’ai juste besoin de m’évader ! Alors je lui dis :

  • « Ben comme tu veux… Amérique latine, Asie, Afrique…
  • Thaïlande ! »

C’est ainsi que, mon diplôme d’assistante sociale en poche, je suis rentrée chez mes parents, j’ai fait une saison en tant qu’ouvrière dans une usine agroalimentaire et j’ai pris un aller-retour Paris-Bangkok.

Si on m’avait dit à moi, un an auparavant, que j’allais partir à l’autre bout du monde, je ne l’aurais pas cru. Durant novembre, décembre et janvier, nous avons parcouru une partie de la Thaïlande, le Laos, passé deux semaines à Ho Chi Minh au Vietnam pour effectuer du volontariat dans un orphelinat et terminé sous le soleil du Cambodge.

Aujourd’hui, je peux l’affirmer, ce voyage a changé ma vie. Il m’a fait grandir et continue de me faire grandir encore.

Avant, j’étais timide. J’avais tendance à me renfermer sur moi-même lorsque j’étais confrontée à de nouvelles personnes et j’étais facilement impressionnée.

Maintenant, les rencontres me font vibrer. Car elles m’ont fait vibrer lors de ces trois mois en Asie. Ces rencontres fortuites, les rencontres au sens large. Tous ces gens, tous ces visages, tous ces noms, toutes ces histoires, ces moments partagés, ces bouts de chemin en commun pour trois minutes comme pour trois jours. On s’accepte mutuellement, comme compagnons de route. On accorde sa confiance, sans avoir de compte à se rendre au moment de se dire au revoir. J’aimerais ne jamais les oublier, toujours les avoir dans mon cœur. Savent-ils comme je les aime ? Avant, ils n’étaient rien pour moi, j’ignorais leur existence. Maintenant, ils font partie de moi, car, si éphémères soient-elles, ces rencontres sont une éternité dans mon cœur.

Avant, je rêvais d’amour. De l’Amour avec un grand A, celui des films, des histoires qu’on raconte. Mes parents m’ont offert un modèle de couple implacable, résistant à toute épreuve et rempli d’amour. Alors moi, j’ai intégré que cela m’arriverait aussi forcément. Mais, une part de moi avait peur de le louper. D’ailleurs, la séduction était quelque chose qui me mettait très mal à l’aise. Alors, j’ai toujours été la fille que personne n’a jamais vu en couple, comme la « célibataire endurcie », même si j’étais pas si endurcie que ça. Et je me sentais moche et grosse, tout simplement. Incapable de plaire à quiconque.

Maintenant, je vis l’amour de chaque instant. Il m’arrive des aventures insignifiantes qui me font pousser des ailes. Je me sens bien dans mon corps et, parfois même, je me sens jolie. Maintenant, j’accepte avec allégresse les compliments et j’ai gagné tellement de confiance en moi. Et surtout, je ne rêve tellement plus d’amour amoureux ! À quoi bon le rêver. Je vis pour mon amour des rencontres, des rencontres de toutes sortes. Et si l’humanité me plaît, alors moi aussi je peux plaire. Je pose mes yeux sur le monde et j’ai compris qu’on pouvait aussi poser les yeux sur moi. Mais, je ne fais plus de l’Amour au sens du couple amoureux un besoin. L’amour est partout, sans être amoureuse.

Avant, je ne me sentais pas intéressante. Je ne lis pas beaucoup, je ne fais pas de musique. J’admirais mes amis musiciens, danseurs, cinéastes, peintres et dessinateurs… Je me dévalorisais du fait de n’avoir qu’une très maigre culture en histoire, géographie, politique. Je me sentais nulle et j’avais honte.

Maintenant, je fais des choses pour moi et j’assume la culture que j’ai. J’ai toujours énormément de mal à lire des livres, mais je n’en ai plus honte. Je n’ai plus honte de ne pas pratiquer la musique. Je fais des choses pour moi alors j’ai décidé d’apprendre des langues. Je lis des nouvelles en anglais, je travaille un peu mon espagnol et j’apprends l’alphabet coréen.

Avant, je voulais être assistante sociale et vivre à Toulouse. Je me pliais facilement aux conventions et j’essayais de faire les choses bien, bien selon ce que pourront penser mes parents, ma famille, entre autres.

Maintenant, je veux tout sauf m’installer. Je veux faire tous les jobs du monde. Connaître toutes les langues du monde. Vivre dans chaque continent. Je veux saisir la chance que j’ai de pouvoir voyager et je veux me donner les moyens de pouvoir choisir le pays dans lequel je vais finir mes jours, si un jour j’ai envie de me poser. Je veux manger le monde, car il a l’air tellement délicieux. Et puis, être assistante sociale, pourquoi ? J’avais choisi ce métier, car il m’aidait à exprimer les valeurs qui me guident. Aujourd’hui, ces valeurs je peux les exprimer en voyageant. Je préfère être une bonne personne dans ma façon de vivre que de contribuer à une facette du monde que je ne cautionne pas en croyant aider les gens de 9h à 17h du lundi au vendredi. J’ai fais trois ans d’études et obtenu mon diplôme, mais je ne compte pas l’utiliser. Et tant pis pour mes parents qui essaient toujours de me dire « et pourquoi tu n’essaies pas ton métier… ». Je ne regrette rien. Je me fiche de ce qu’on pense de moi et de ce qu’on pense de tout ça. Je choisis aujourd’hui ma façon de vivre et elle porte les mots voyage, découverte, amour et rencontre.

Avant, je pensais avoir besoin de mon entourage pour exister.

Aujourd’hui, j’ai toujours envie de sociabilité. Mais, j’ai compris que je ne devais plus avoir besoin de personne. Le voyage m’a appris à m’apprivoiser moi-même, à me connaître. C’est comme si j’avais découvert mon propre mode d’emploi et, la seule personne dont je dois avoir besoin, c’est moi-même.

Avant rien ne me faisait vibrer.

Maintenant, une carte du monde me fait jouir.

Avant, rien ne me faisait rêver

Aujourd’hui, je rêve ma vie autour du monde.

Avant, j’avais peur de l’inconnu.

Aujourd’hui, l’inconnu m’excite. Je le fantasme et il me fait vibrer.

Le voyage a changé mon rapport à l’autre, mon rapport à mon corps, à ma vision de moi-même, à ma vision du monde, mon rapport à ma famille, à mes amis, mon rapport à l’amour, mon rapport au travail, et à l’argent.

Il n’y a pas de mot pour décrire ce que ce voyage m’a apporté. L’Asie a rempli mon cœur et, plus que jamais, j’ai soif d’humanité.

Maintenant, je veux faire de ma vie un voyage.

« Ah ! les voyages qui mûrissent nos cœurs, qui nous ouvrent au bonheur, mais que c’est beau les voyages » -Les voyages, chanson de Barbara

Article rédigé par Chloé Serveau

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