Les réseaux sociaux sont des outils offrant la possibilité d’aiguiller et de partager le déroulement d’un voyage. Ils permettent d’entretenir un lien privilégié avec notre communauté virtuelle. Toutefois, le perfectionnement des moyens d’échanges a permis une révolution dans le monde du voyage, notamment dans le fait de vouloir montrer ce que l’on vit. Mais l’utilisation continuelle des réseaux sociaux, peut-elle, à terme, faire perdre au voyage son sens?
Que les choses soient claires, dès que l’on part en voyage, il est coutume de prendre des photos. Mais une différence réside dans le but de la photo : être partagée, montrée, servant de souvenir. Bref, lorsque que retentit le fameux petit « CLIC », nous avons tous une petite idée sur le format dans lequel la photo sera publiée. Ce qui est dommage, c’est que dans l’immédiateté et la vitesse à laquelle vont les réseaux sociaux, il faut tout montrer tout de suite. Quitte à passer du temps pour prendre LA photo « instagrammable ». Après tout, pourquoi pas? Avoir des souvenirs de voyage est toujours bon à prendre. La photo a toujours été la sublimation d’un moment dont on souhaite garder le souvenir. Toutefois, il faut le faire parcimonieusement. À force de vouloir tout montrer, on ne vit plus pour soi, mais pour les autres. Notre voyage se vit pour sa communauté et non pour soi.
Cesser de passer à côté du moment présent
Pour quelle raison faudrait-il s’éloigner d’outils aussi indispensables que les réseaux sociaux ? Eh bien, pour vivre pleinement le moment présent. Au lieu de rester focalisé sur un écran, nos yeux brillent car ils sont rivés vers un paysage de toute beauté. La vocation du voyage s’attache à nous faire tout oublier, se perdre, s’évader. L’attention abusive portée à son téléphone devient alors un véritable poison qui empêche véritablement de profiter de l’instant T. Le phénomène des stories en est le parfait exemple. Au lieu de vivre pleinement un moment unique, de contempler un paysage, de s’émerveiller devant un animal sauvage qui passe, on le vit derrière l’écran de son téléphone…
Si vous aspirez à avoir un souvenir, tant mieux. Mais il faut reconnaître que, parfois, ce genre d’attitude peut atteindre des proportions démesurées. Certaines personnes passent des heures avant d’obtenir le bon cliché avec le bon paysage. Soit. Vouloir une belle photo n’est pas un mal, elle est même un moindre mal, si on souhaite qu’elle soit un tant soit peu jolie… Mais ne pas profiter ne serait-ce qu’un instant d’un paysage magnifique qui se dévoile sous nos yeux est de l’ordre du sacrilège. Certains viennent alors à oublier vraiment le cadre dans lequel ils sont, tant que la photo sera, elle, belle et « instagrammable ».
À ce titre, l’exemple frappant d’un jeune homme rencontré au Vietnam juste pour ses photos et ses followers en dit long sur le phénomène… Passant ses journées à mettre des posts, l’âme d’un endroit, les gens à rencontrer et l’histoire du pays n’avaient plus d’importance pour lui. En revanche, la photo de rêve sur la plage dans la baie d’Halong, elle, en avait…
Recherche de perfection versus spontanéité
Vouloir tout montrer, se pavaner est devenu une attitude somme toute assez récurrente. C’est ni plus ni moins que l’œuvre d’une hypocrisie qui semble avoir atteint son paroxysme. La photo de voyage qui devait n’être qu’un banal souvenir comporte une dimension qui tourne à la volonté de voyeurisme le plus sommaire. Il faut aspirer à avoir le plus de likes possible, montrer que notre vie fait rêver plus que celle d’autrui. Alors l’illusion et le « fake » supplantent la réalité. Tout devient posé, joué, calculé. On troque les chaussures de randonnée pour un bikini fashion et une bouée pop rose bonbon, une photo de paysage pour un selfie, un moment présent pour faire un post. Le narcissisme est à son apogée et la vie de baroudeur haute en filtres Instagram. Cela traduit le triste état de la photo de voyage, aujourd’hui réduite à une peau de chagrin.
Fort heureusement, tout le monde n’utilise pas les réseaux sociaux pour présenter la perfection incarnée du voyage à travers des clichés soigneusement préparés. Mais cela semble devenir de plus en plus le cas… En l’espace de deux décennies, on est passés de nos bons vieux appareils jetables à des outils numériques à la pointe de l’innovation, agencés à des perches à selfie. La bonne vieille photo de voyage où juste l’instant est capté semble s’être perdue dans les méandres de nos bons vieux albums photos. Il est loin le temps où on faisait « trois, deux, un, SOURIREEEEEEE » pour poser sur une photo que l’on découvrirait quelques semaines plus tard, lors de son développement.
Il ne faut pas perdre de vue que la photo est un instant, un souvenir, celui d’un moment présent… Comme disait si bien Martine Franck, « Une photographie, c’est un fragment de temps qui ne reviendra pas ». Alors, au lieu de répéter une prise de vue pour la recherche de la perfection, pourquoi ne pas la vivre sans artifice, dans l’idée que CE moment et non un autre est inoubliable ?
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