J’ai longtemps dit que le voyage était ce qui me rendait heureuse. À chaque fois que je réservais un vol, j’avais des papillons dans le ventre, à chaque fois que je partais vers l’inconnu, j’avais cette dose d’adrénaline qui me donnait les larmes aux yeux. Le voyage me rendait vivante et libre. Rêver, planifier et partir, voilà les trois choses qui me faisaient vibrer.
Pourtant, chaque fois que je prenais un vol de retour pour le Québec après 1, 3 ou 6 mois sur les routes, j’avais les “blues”. J’avais une boule de tristesse dans le ventre, le souffle court et je marchais dans la routine à reculons. L’accent québécois me donnait le cafard, le froid et le teint gris de l’hiver me rendaient déprimée. J’ai souvent critiqué mon pays. Je trouvais qu’on manquait de chaleur humaine, qu’on était chialeurs et terriblement gâtés pourris. Je trouvais que tout était tellement mieux ailleurs. Alors je ne pensais qu’à m’évader pour me sentir libre.
À peine j’atterrissais d’un trip, que j’avais déjà le nez sur les pages de Google Flights pour planifier mon prochain départ. Je travaillais comme une mule pendant des mois en attendant que le voyage futur. Tout ce que je faisais et comment je planifiais ma vie était en fonction de mon prochain trip. Je ne vivais jamais dans le moment présent sauf lorsque je partais.
J’étais en recherche constante de ce sentiment d’euphorie, celui qu’on ressent quand on “book” un vol, quand on présente notre passeport au douanier, quand on s’enfonce dans notre siège au décollage de l’avion ou quand on débarque dans un autre pays complètement dépaysé. Ce sentiment de malade me rendait accro, mais, malheureusement, il était éphémère. Car, même si un voyage durait 1 mois ou 10 ans, le sentiment de folie s’éteindrait le jour du retour.
Le voyage était ma drogue. Je ne vivais que pour lui, que pour la sensation qu’il m’apportait et, quand j’étais séparée de lui, je me sentais incomplète. En fait, mon bonheur dépendait du voyage.
J’ai longtemps cru que c’était le voyage qui me rendait heureuse, mais, en fait, j’ai découvert que le bonheur se trouve dans l’appréciation des petites choses de la vie dans le moment présent.
Pensons-y. En voyage, tous nos sens sont ouverts, on est attentifs à tout et on s’intéresse à chaque petite chose qui croise notre route. On goûte de nouveaux plats, on apprend une nouvelle langue, on découvre une nouvelle culture, on s’ouvre sur une autre façon de vivre, bref, on est pleinement présent dans l’expérience que l’on vit.
En juin, je suis revenue d’un voyage de six mois en Amérique Centrale. Un voyage qui fut très éprouvant, mais qui fut un grand apprentissage dans ma vie. Ce dernier voyage boucla la boucle de trois ans de “globetrotting”.
J’avais vécu dans des pays où la liberté d’expression était tabou, où le statut de la femme n’était pas ce qu’il est chez nous et où la sécurité était très instable.
Revenir au Québec fut un véritable bonheur. La vision que j’avais de chez moi avait complètement changé. J’ai vu ce qu’était réellement la misère et j’apprécie maintenant plus que jamais la chance que j’ai d’être ici.
J’apprécie la vue de ma chambre qui donne sur le lac, me baigner dans l’eau fraîche tous les matins au flanc de la montagne, marcher pour aller travailler, cueillir les petits fruits des champs dans ma cour et me promener sans avoir peur de qui se trouve derrière moi.
Le voyage ne m’a pas apporté le bonheur, mais il m’a appris à ralentir, à vivre dans le moment présent, à voir chaque petit moment comme un cadeau de la vie et, par dessus tout, à réaliser la chance que j’ai d’être ici et c’est là le véritable bonheur. Celui qui reste, celui qui, chaque jour, peu importe les événements, est présent : le bonheur permanent.
Le voyage m’a appris qu’on peut voyager même dans son propre pays. À travers une conversation avec une famille de péruviens, la découverte d’un nouveau restaurant coréen, la dégustation d’un café colombien, un cours de salsa cubaine ou la lecture d’un bon roman. On peut voyager chez nous, comme on peut stagner dans un autre pays. Le voyage est un état d’âme, il ne dépend pas d’un billet d’avion ou d’un trajet dans le ciel, il dépend de notre capacité à s’ouvrir et à prendre chaque petit moment et chaque expérience comme une aventure en soi.
« As you walk and eat and travel, be where you are. Otherwise you will miss most of your life. » – Buddha
Article rédigé par Élise Bernier
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Très beau texte qui fait réfléchir. Merci beaucoup. 🙂
Merci Elise pour ce beau texte. En effet j’ai moi aussi appris ces dernières années à vivre pleinement les petits bonheur du quotidien, alors que j’avais tendance à voyager pour fuir, ce qui me ramenait constamment à mon point de départ. Maintenant quand je voyage je suis pleinement conscient de là où je suis et je ne cherche pas le bonheur à l’extérieur mais en allant de plus en plus à l’intérieur de moi-même.
Mon plus beau voyage jusque-là ça a été de vivre un an dans un monastère bouddhiste, voyage intérieur surtout, et je l’ai fait chez moi en France 🙂
Je suis étonnée de lire votre texte. Car c’est ce que j’ai ressenti après réflexion de retour de mes voyages. Je ressentais du bonheur au retour…..en réalisant que chaque petit moment de bonheur qu’importe ou je me trouve est en fait un morceau de joie dont il faut savourer au ralenti sans besoin de fuir.
Très beau texte. Votre histoire me rappelle la mienne. Ce besoin de voyager pour se sentir en possession de sa vie, le blues du retour… Merci pour vos mots. Ils m’ont fait réfléchir.
Merci pour ce beau témoignage. En fait tu as dit tout haut ce que moi je n’osais dire. Mes plus beaux souvenirs de voyage n’ont pas de lien avec la distance ou la durée du voyage, mais plutôt ma capacité que j’ai eu à vivre le moment.
Oui tellement vrai. Plutôt une cyclo voyageur, ce ressentiment se vit réellement pour moi. C’est ce qui me fait apprécier ce mode de voyage, vivre le moment présent.
Merci pour ce texte rempli de réflexions sur notre être . L’extérieur ne dure qu’un moment !
C’est à l’intérieur que les plus belles qualités de cachent !