Être connecté à l’heure actuelle oscille entre nécessité et besoin, et l’être en voyage ne déroge pas à la règle. Mais est-ce profitable ou pas?
Quand nous sommes partis, nous avons emporté 1 ordinateur portable, 2 gros appareils photo (choix relatif à notre orientation professionnelle), 1 smartphone qui, volé au Cambodge, sera remplacé par une tablette, 1 petit téléphone d’ancienne génération, 1 disque dur externe, 1 lecteur de carte et les câbles et batteries de tout ce petit monde.
Résultat : quasi 7 kilos de matériel «high-tech» qui allait nous permettre de rester connectés, planifier, travailler, stocker, se détendre… Poids néanmoins non-négligeable surtout quand tu veux voyager léger.
Cela a bien sûr beaucoup d’avantages, mais implique également quelques mesures de sécurité supplémentaires totalement matérialistes. Il était plus simple de tout mettre dans le même « précieux » petit sac, avec les passeports, quelques médicaments, de quoi se sustenter et de l’avoir à l’œil… Dès lors, faire du stop ou prendre un transport était moins stressant. Après tout, en cas de subtilisation des sacs à dos, il n’y avait que les vêtements ou objets de moindre importance. Pareil si l’on allait se balader, bien que, parfois, nous laissions quelques câbles et autres équipements subtilement planqués dans le mobilier de notre hôtel.
Il y a le risque de la casse où tu feras le tour des magasins de la ville toute la journée (quoique cela reste aussi une expérience en soi) pour trouver la pièce manquante ou la batterie qui te permettra de continuer à faire des photos lors de la prochaine visite immanquable.
C’est là que tu ressens une forme d’obligation latente à tout ça.
Si nous prenons tant de matériel, c’est un peu par peur. Celle de manquer de communication, de socialisation, d’information et conserver l’ensemble des souvenirs sur un support pour parer à la faillibilité de la mémoire et montrer ce que l’on a accompli à son retour ou l’exploiter d’une autre façon. Bien sûr, on peut le faire sans matériel électronique ou Internet, mais être en vadrouille n’empêche pas de rester connecté avec notre vie « d’avant » et quelques habitudes.
Étant tributaires du WiFi et non de la 3 ou 4G, nous tempêtions parfois après le manque d’informations «cruciales» dont nous avions besoin à l’instant. Quel est le bon chemin à prendre ? Il est marqué quoi là ? Comment dis-tu « gare de bus » en chinois ? Le logement le moins cher du coin?
Mais c’est ici qu’intervient la notion « rencontre avec l’autre ».
N’est-il pas plus intéressant de demander la route à un autochtone ? Plus aventureux de choisir un plat au hasard ? Essayer de s’exprimer par gestes et dessins en riant des quiproquos ? S’interroger et découvrir de nouvelles manières de formuler quelque chose selon la culture d’un pays ? Tout ce que l’on risque c’est d’avoir un souvenir, un nouvel ami, une expérience mutuelle et d’en ressortir plus riche.
Il y en a qui essaient de s’éloigner de l’emprise moderne de nos claviers. J’ai rencontré un jeune homme qui voyageait uniquement avec un carnet et de quoi écrire, il possédait une adresse mail, mais avait décidé de l’utiliser rarement et à des fins vraiment personnelles. Ou un autre dont le seul moyen de communication était un smartphone toujours en panne, il n’avait pas l’air plus ennuyé que ça.
Par contre, j’ai vu des personnes tellement sur leurs écrans que, au final, elles étaient ailleurs et loupaient peut-être quelque chose.
Je ne dis pas que c’est un mal. Peut-être certains sont-ils timides, ont des difficultés avec les langues, un peu fatigués et n’ont pas envie de se battre pour se faire comprendre, trouveront plus rapide, facile et fiable de se débrouiller seul, seront en communication avec des proches pour des raisons variées. Cela nous arrive à tous et je suis loin d’être contre l’utilisation des ressources mise à notre disposition. Mais la rencontre avec l’autre m’a laissée des moments tellement impérissables et de belles camaraderies que, même si j’avais eu la possibilité de faire technologiquement autrement, je ne l’aurais pas fait.
Cependant, celle-ci peut aussi être au service de l’approche.
Combien de fois n’utilisons-nous pas le traducteur pour se comprendre ? Nous étions à Kyoto en train de regarder le panorama quand un vieil homme a été extrêmement content et fier de converser avec nous par le biais de son traducteur électronique. Parfois, des locaux nous demandent où se trouve notre demeure, à quoi ressemble-t-elle et nous faisons un tour sur Google street view. Pareil lorsqu’il s’agit de leur montrer les visages de nos familles, les photos sur l’ordinateur sont d’un grand secours. Nous pouvons échanger musique et vidéo entre voyageurs ou habitants toujours dans une optique de découverte de chacun.
Que se passe-t-il si tout d’un coup nous n’avons plus accès à internet ?
En étant connectés si facilement dans nos contrées gorgées d’énergie, nous oublions que dans certains pays ce n’est pas toujours le cas. Au Népal, par exemple, il y a de l’électricité seulement quelques heures par jour à certains créneaux horaires variables. Le reste du temps, tu as plutôt intérêt à avoir un guide papier ou une bonne autonomie de batterie pour lire les informations stockées préalablement sur ton support. Déjà passé l’étonnement et la frustration (si, si, ça peut arriver), il faut savoir rebondir et le faire «à l’ancienne» : aller demander directement aux gens ou aux institutions concernées (moins il y a d’intermédiaires mieux c’est), manipuler des plans, des horaires, se préparer un petit dictionnaire dans un carnet et prendre note des indications pertinentes. Nous développons donc des compétences supplémentaires et gérons notre rapport au temps d’une autre manière.
Après ce n’est pas une obligation loin de là.
On peut tout simplement se la jouer à l’arrache, au hasard et voir venir. Cela marche aussi au final. Il faut juste se montrer flexible, garder sourire et patience, mais il y a toujours de très belles surprises au bout du compte. Se perdre, flâner dans les rues un peu excentrées et trouver un endroit où l’on se sent bien sans qu’il soit obligatoirement touristique ou recommandé est aussi très gratifiant et pourra apporter une meilleure expérience ou compréhension du lieu.
À propos des photos, certains en prennent très peu, d’autres beaucoup trop. Évidemment, il n’y a plus aucune barrière au stockage et à la diffusion de celles-ci alors pourquoi se limiter ? Avec le temps, je suis passée à une autre approche, je m’octroie le droit de ne pas en faire, tout simplement. Parfois, quand je vois un moment dans la lumière, figé et parfait, je le laisse tel quel. Il y a des instants si beaux qu’ils ne sont à nous que pendant une fraction de seconde puis ils reprennent leurs droits. J’ai aussi appris « à voir avec mes yeux ». Après avoir mitraillé, je baisse l’appareil et je «regarde».
À l’heure où nous pouvons être virtuellement partout et tout le temps, il est dur d’être dans l’instant présent et d’en profiter, que ce soit en voyage ou à la maison. Le plus important est de trouver un équilibre. Il faut parfois se recentrer, imaginer où l’on se trouve et prendre conscience de tout ce qui nous entoure à ce moment précis avec tous nos sens pour le graver dans notre mémoire. Tout simplement.
Article rédigé par Stephanie Pasteels