À 24 ans, j’ai décidé de me désinscrire de ma maîtrise pour environ un an afin de partir vivre dans le pays d’origine de mon père. J’ai tout laissé, j’ai manqué beaucoup d’évènements marquants et j’ai prolongé le tout pour un total de 14 mois alors que beaucoup pensaient et/ou espéraient que j’allais revenir plus tôt que prévu. Pour l’une des premières fois dans ma vie, j’ai été égoïste.

Quand tu vas manquer bien des choses

Ne me lancez pas de pierre, je sais que ce n’est pas d’être égoïste. Personne ne m’a dit « T’es égoïste de partir »… directement. Même si tout plein de gens t’encouragent à le faire et te trouvent courageuse/chanceuse, ceux que tu déçois, ceux que tu peines, ceux-là, ils te trottent dans la tête sur un moyen temps.

Pendant cette année-là, j’allais manquer quatre mariages de gens que j’aime et de qui je suis proche. J’allais manqué la naissance de ma nièce dont mon frère et sa conjointe m’ont fait l’honneur et l’immense joie de me nommer la marraine. J’allais manquer 14 longs mois dans la vie de mon filleul d’amour que je vois plus que régulièrement depuis qu’il a vu le jour et il l’a dit lui-même : « Je vais avoir le temps de faire toute ma deuxième année, c’est long! ». J’allais manquer, parce que j’en étais à mon huitième mois ici au Laos, la pendaison de crémaillère de deux maisons d’amis proches. Bref, j’allais être partie trop loin, pendant trop longtemps.

J'ai manqué le mariage d'un de mes meilleur amis du secondaire, mais j'y étais en pensées...et en carton! Ah mes amis d'amour!

J’ai manqué le mariage de l’un de mes meilleurs amis du secondaire, mais j’y étais en pensées… et en carton! Ah mes amis d’amour!

Une partie de moi se sentait coupable et triste. Coupable de faire de la peine à des gens que j’aime et triste de ne pas partager tous ces évènements marquants avec eux. Il faut dire que, depuis toute jeune, on me décrit comme étant la « maman du groupe ». J’aime prendre soin des gens, je suis rassembleuse et je suis toujours présente quand on a besoin de moi ou simplement envie que j’y sois. J’ai une genre de responsabilité insidieuse que j’accepte avec plaisir. Cependant, depuis un petit moment, une partie de moi avait envie de partir en courant. Non pas pour me sauver d’eux, mais pour penser à moi, à quel sens je voulais donner à ma vie qui n’allait pas dans celui que j’avais pensé et pour me sentir bien, parce quand je suis en voyage, je me sens toujours sereine. Cette petite voix qui me criait de partir s’époumonait à force d’essayer de se faire entendre. Je devais partir, je voulais partir. J’ai donc été  « égoïste », je suis partie, et j’ai prolongé mon séjour à l’étranger. J’ai dit oui à mon moi-intérieur, aussi kitch que cela puisse sonner.

Quand tu surprends

J’ai dû en surprendre plus d’un.

J’ai toujours fais ce qu’il fallait faire parce que je le voulais bien. Bonne étudiante, jamais pris de pause d’étude, travaille à temps partiel depuis mes 14 ans, impliquée dans des organismes, etc. Si tu avais demandé à la jeune moi où j’allais être à 25 ans, elle aurait répondu que je serais en couple, en appartement, que je penserais à avoir des enfants, que j’aurais fini mes études et que j’aurais commencé ma carrière au bon salaire pour faire plein de voyages. J’étais bien partie, mais finalement je suis partie. Ce n’est pas ma vie et c’est parfait. La vie change, on change. La seule certitude avec un plan c’est qu’il ne se réalisera jamais. Du moins, pas de la manière dont on l’avait planifié, étape par étape.

Ce qui est tout de même rassurant, c’est qu’au fil de tes rencontres tu comprends que plein de gens ont bifurqué de leur chemin de manière radicale et qu’ils n’en sont que plus heureux aujourd’hui. Que de purs inconnus te rassurent sans le savoir en te disant que tu es encore si jeune, parce que pour toi, tu devrais déjà avoir commencé ta vie d’adulte. C’est ça ma vie d’adulte, c’est plus bohème que j’aurais pensé, mais c’est mieux que ce que j’aurais pu espérer, parce que j’ai appris à tout simplement m’écouter.

Quand c’est plus dur pour eux que pour toi

Comme je dis toujours, la vie passe vite. Et comme je dis à mon filleul d’amour, on est tellement présents dans nos vies que même si l’on manque des évènements importants ce n’est pas grave. On le sait qu’on s’aime et qu’on est là l’un pour l’autre même si on est physiquement loin.

Quand on part sur une longue période, je crois sincèrement que c’est beaucoup plus dur pour nos proches que pour nous. J’aurais peut-être l’air sans cœur en écrivant la phrase qui suit, mais je me lance : je ne m’ennuie pas de personne. Oui je pense souvent à ceux que j’aime, oui j’aimerais ça qu’ils soient avec moi à certains moments, mais non, je ne m’ennuie pas. Ici, j’ai une toute nouvelle vie. Là-bas, ils ont la « même » vie, mais je n’en fais momentanément pas partie. Moi je vis des choses différentes de mon quotidien. Eux vivent leur quotidien sans moi. Mon absence est remarquée, leur absence est logique. Le petit sentiment de culpabilité quand tu penses aux petites remarques qu’on t’a lancées par rapport au fait que c’était long un an et que tu allais manquer des évènements importants, il part quand tu vois les choses sous cet angle. Parce que tu comprends pourquoi ces remarques ont été faites, tu comprends que ce n’est pas un reproche, mais l’expression d’une petite peine. Ça fait tout de même un petit pincement au cœur, mais tu te libères de la pesanteur de la culpabilité.

Partir pour mieux revenir

Je suis partie pour devenir une meilleure version de moi-même, pour me permettre de m’épanouir d’une nouvelle façon.

Je suis partie pour continuer de me créer, pour vivre une expérience de vie enrichissante, qui au bout du compte va profiter à tous ceux qui croiseront ma route parce que je serai la « moi » que je me serai donné l’opportunité de devenir : la Izou (mon p’tit nom) version améliorée.

Pendant mon année loin, j’ai fait et je vais continuer de faire des projets d’aide en étant volontaire dans différents organismes. J’ai occupé deux emplois différents en étant payée au même salaire qu’un Laotien, parce que je n’avais pas envie de tirer avantage de mon statut d’étrangère. Je ne suis pas égoïste, je suis moi, une fille qui aime voyager, qui aime aider, qui aime apprendre et qui aime s’épanouir.

Si toi aussi tu as envie de vivre une aventure de longue durée et que tu entends quelqu’un dire qu’il ne comprend pas pourquoi tu fais ça, dis lui que c’est normal. Dis lui que c’est parce qu’il n’y a rien à comprendre et tout à vivre.

Tout ce que j’ai vécu et tout ce que je vivrai ne m’aura pas changée, mais m’aura améliorée. Au fond, c’est pour eux que je suis partie, disons que j’aurais été faire une petite formation pour être updatée!

Signé l’égoïste altruiste

Article rédigé par Isabelle Sundara

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