Les yeux rivés sur les paysages qui défilent. Nouveau trajet en bus. Un de ces moments où ne rien faire est maître. La tête embarque, se pose pour réfléchir à ce que je vis. J’ai le pouvoir de décider de chaque seconde de mon aventure. Une liberté folle. En parallèle, j’ai le sentiment étrange de subir aussi ce voyage. Les parcours classiques, les conseils des blogueurs, les limites de la langue, le rapport à l’argent avec la population. Je ne sais jamais si ce que je paye est le prix. Je ne sais jamais si le chemin que je choisis est le seul ou si c’est seulement celui qui est le plus mis en avant.

Vivre avec un sac à dos m’amène à faire face à ce mélange de sentiments. Et à tant d’autres. Celui qui domine ; prendre son temps ou courir après le beau, le magique. Et si les deux étaient simplement compatibles. Et si le magique tenait tout simplement à la manière dont on choisit de se remplir, de lire son monde. Et si la recette était personnelle, intuitive et inscrite en soi.

Vivre sa propre vie dans des lieux différents. Rien de plus, rien de moins. Je ne prétends pas avoir la capacité de comprendre un pays, sa dynamique, son peuple en le traversant du nord au sud en un mois. Impossible. Je me transporte. Je vois, je ressens. Tout est une affaire de sens. D’émerveillement, de changement. Tout ce que je vois et ressens n’est pas extraordinaire à chaque seconde. Certaines journées sont moins palpitantes que d’autres. Mais chaque journée j’évolue dans un contexte différent du mien. Chaque jour, je me permets de vivre autrement. De goûter autrement à l’état d’être, d’exister. Est-ce mieux ? Est-ce moins bien ? Est-ce nécessaire de comparer ? Simplement me laisser vivre, entièrement.

C’est un brin égoïste cette démarche. Laisser pour un temps ceux qui partagent notre quotidien, ceux qui comptent et qui comptent sur nous. Se remplir. De changement, de nouveauté, de pas pareil. Pour simplement continuer de prendre le temps d’ouvrir les yeux. De passer du temps avec soi. Égoïste je vous disais, mais tellement ressourçant. Ne pas savoir ce qui se trouvera derrière chaque virage, oser se perdre, oser se tromper. Oser. Pour rien de concret. Pour le simple fait d’oser. Supprimer les contraintes d’un emploi du temps et rendre tout possible.

Quel que soit la raison initiale du voyage, du défi à la fuite. Peu importe. Tout nous rattrape. Tant mieux, le temps nous aide à mieux nous connaître. Tant mieux, que ça fasse du mal ou du bien. Grandir, le voyage facilite cela. Dans tous les actes du quotidien nous le faisons, sans nécessairement en être pleinement conscient. En voyage, la conscience de s’élever naît d’elle-même. Ne pas être dans le contrôle permanent, accepter plus aisément de se confronter à du nouveau, se donner le droit de dire oui aux opportunités qui s’offrent à nous. Je n’ai pas la réponse à quoi cela tient. Un doux mélange d’acceptation que tout est possible. Au relâchement de la peur de l’inconnu, barrière solide qui s’atténue naturellement. Parce que le voyage connecte avec les émotions. Avec soi. Pour du beau, ou pas. Tout n’a pas besoin d’être idéal. Tout ne le sera pas de toute manière.

Choisir d’apprendre et de vivre ailleurs ce que le destin a choisi pour nous. Aller au-delà. Pour aucune raison concrète. Pour choisir sa vie, pour prendre le temps de vivre. La peur de se choisir fige parfois, empêche d’autres de se donner l’option. Et pourtant que ça vaut la peine d’être vécu. Pour aucune raison précise. Comme l’amour. On aime une personne sans pouvoir l’expliquer. Il en va de même pour le voyage. C’est viscéral. On ne le réalise qu’une fois les deux pieds lancés.

Article rédigé par Audrey Dugas.

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