Chers parents,

Si vous lisez cette lettre, c’est parce que j’aurai enfin réussi à trouver les bons mots pour vous parler d’un sujet qui est probablement très important pour votre enfant. Je vous prie de lire cette missive jusqu’à son dernier mot, parce que la passion du voyage nécessite de nombreuses explications. Croyez-moi quand je vous dis que c’est très difficile de trouver les bons mots, parce que je les ai cherchés longtemps avant de les prononcer à mes propres parents.

Si vous êtes comme les miens, l’éducation est un sujet tabou dans votre foyer. Quand je dis tabou, je veux dire que c’est très important pour vous que votre enfant fasse des études pour qu’il ait par la suite un bon emploi, un emploi stable avec de bonnes conditions de travail. Peut-être que vous n’êtes même pas conscients qu’il s’agit d’un sujet tabou, tabou pour nous en réalité parce que, sans le vouloir, en nous appuyant comme vous le faites, votre fierté fait en sorte que nous ne voulons en aucun cas apercevoir la déception dans vos yeux lorsque vous parlez de nous. Sauf que je suis d’avis que le théorique et le pratique sont deux choses complètement différentes et, malheureusement, il est impossible de mesurer le courage, la peur ou encore le cœur avec les critères d’évaluation du Ministère de l’Éducation. Si ce système m’a appris quelque chose, c’est que plus on utilise des sens, plus on retient une information. Il n’y a pas de meilleur moyen de retenir quelque chose que de le vivre et ça vaut aussi bien pour les bonnes que les mauvaises leçons. Pour ma part, il m’a fallu rassembler tout mon petit change pour annoncer à mes parents que je n’irais pas à l’université, du moins pas maintenant, pour aller chercher le petit bout de papier qui ouvrirait les portes de l’avenir qu’ils me souhaitaient tellement.

Je sais pertinemment que, tout comme vous, ils ne comprennent pas et ne comprendront probablement jamais pourquoi je ne veux pas d’une petite vie bien rangée, mais j’ai beau leur expliquer que le monde est mon terrain de jeu, j’arrive toujours à lire l’incompréhension dans leurs yeux et, ce, même s’ils aiment voyager. Les yeux parlent, vous savez. D’ailleurs, un seul et unique regard veut dire bien plus qu’une tonne de mots : les paroles ne servent qu’à nous exprimer alors que les regards servent à démontrer ce que les mots ne peuvent expliquer. Alors, lorsque je leur ai dit que j’aimerais peut-être prendre un an sabbatique et partir à l’aventure, je me suis sentie tellement coupable de leur faire ça : de réduire tous les rêves qu’ils m’avaient imaginés à néant, de réduire en poussière tous les plans qu’ils m’avaient proposés.

Si vous êtes comme mes parents, vous avez surement répété à plusieurs reprises à votre enfant d’aller au bout des choses qu’il entreprend, de se battre pour réaliser ses rêves et, par-dessus tout, de se faire confiance parce qu’il y aura toujours des gens pour lui dire que ce qu’il veut il ne l’obtiendra jamais ou encore pour lui mettre des bâtons dans les roues. Chers parents, j’espère que vous commencez à comprendre pourquoi il est si difficile pour nous de trouver les mots justes pour, d’une part, nous faire entendre, mais également pour ne pas vous blesser non plus parce que, malgré toutes les embûches, nous vous aimons.

N’imaginez surtout pas que si l’on veut partir explorer le monde et découvrir de nouvelles cultures c’est parce que nous avons manqué de quoi que ce soit. C’est simplement parce que nous avons besoin de voler de nos propres ailes. Vous avez essayé de nous inculquer les valeurs que vous avez jugées importantes et de nous donner les meilleurs outils pour réussir, mais il faut garder en mémoire qu’il y a et qu’il y aura toujours un énorme fossé entre le fait de réussir sa vie et le fait de réussir dans la vie. Le passage à la vie adulte est difficile puisque, à travers les études, les relations compliquées, les cœurs brisés, les nombreux emplois ainsi que la pression causée par l’atteinte des standards préétablis, il faut essayer de se trouver soi-même en tant qu’individu faisant partie d’une société, mais également en tant que personne à part entière.

Si vous êtes comme mes parents, vous avez appris à votre enfant l’importance d’avoir une parole et surtout l’importance de la tenir. Quelqu’un m’a dit un jour que «les promesses les plus importantes sont celles que l’on se fait à soi-même» parce que c’est à ce moment que l’on se conditionne à les tenir puisque nous sommes personnellement impliqués. Je considère que toutes les choses que j’ai pris la peine de mettre dans ma bucket list sont des promesses que je me suis faites à moi-même.

Les parents sont des pionniers : ils nous guident tels des navires qui suivent la lumière qui provient du phare présent sur la rive lorsqu’ils sont prisonniers de la tempête. Sauf que personne ne peut les avertir que l’eau est peu profonde. Alors le seul moyen qu’ils ont de le savoir est de foncer tête première dans la tempête de la crise d’identité. Vous savez, chers parents, vous avez beau nous mettre en garde contre tout et n’importe quoi, il y a des leçons que l’on doit apprendre seul.

Le mieux que vous pouvez faire est de nous mettre en garde contre les dangers et de nous dire que, vous avez beau ne pas comprendre, vous respectez nos choix. Retournez dans vos souvenirs. Est-ce que vos parents à vous ont toujours compris vos décisions et, par-dessus tout, les ont-ils toutes approuvées? Peu importe si notre quête commence par l’achat d’un billet d’avion, d’un vélo ou d’une paire de bottes, dites-vous que le voyage ce n’est pas la destination, mais bien le chemin pour s’y rendre. Voyager c’est bien plus qu’une passion, c’est bien plus grand que cela : c’est l’école de la vie. Nous ne voulons rien savoir de vos bancs d’école et de vos bouts de papier, parce que le monde a beaucoup plus à nous apprendre que quelques formules de mathématiques ou encore une tonne de figures de style.

Article rédigé par Élodie Beauvais

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